Massoud Barzani, du pari du référendum à l'isolement

Omniprésent parmi la foule jusqu'au référendum d'indépendance qu'il a initié, le président kurde Massoud Barzani se retrouve aujourd'hui isolé, en Irak comme à l'étranger, dont il n'a pas obtenu le soutien qu'il escomptait, selon les experts.

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Il y a trois semaines, il organisait en grandes pompes après une série de meetings populaires monstres cette consultation, assurant avoir « échoué à trouver un partenaire » à Bagdad.

Il a remporté la première manche, avec une victoire massive du « oui« . Mais moins de trois semaines plus tard, ses combattants, les peshmergas, ont dû se retirer de zones disputées, dont certaines qu’ils tenaient depuis plus d’une décennie.

Son pari, il l’a lancé « avec le soutien d’une petite poignée de conseillers, pas à l’issue d’une opération démocratique« , explique à l’AFP Kirk Sowell, expert de la politique irakienne qui publie Inside Iraqi Politics.

Le référendum, assure-t-il, n’est que la dernière d’une longue liste de décisions prises de cette façon. « Les accords pétroliers avec la Turquie ont été signés avec l’aval de son Parti démocratique du Kurdistan (PDK), ils n’ont pas fait l’objet d’une décision ou d’un examen du Parlement kurde », cite-t-il à titre d’exemple.

« M. Barzani est entouré de gens qui lui disent ce qu’il veut entendre », assure M. Sowell. Et pour de nombreux Kurdes, les deux hommes qui l’ont encouragé à poursuivre son projet de référendum, contre l’avis de tous –jusque de l’ONU qui proposait encore à sa veille un plan de dialogue alternatif– sont l’ancien ministre des Affaires étrangères de l’Irak, Hoshyar Zebari, et le gouverneur de la province disputée de Kirkouk, Najm Eddine Karim, aujourd’hui introuvable dans sa région.

Descendant d’une illustre famille de courageux combattants pour l’indépendance kurde, toujours vêtu comme un peshmerga, d’un habit kurde kaki et d’un foulard sur la tête, M. Barzani sait désormais qu’il n’obtiendra pas la partition de l’Irak sans l’accord de Bagdad. Un projet que le Premier ministre Haider al-Abadi refuse en bloc.

Pour l’arrêter il a envoyé les troupes irakiennes reprendre le contrôle de champs de pétrole et de pans entiers de territoire, mettant fin à ses rêves indépendance économique indispensable pour l’indépendance politique.

La veille du référendum, lors d’une conférence de presse pour annoncer son maintien, l’ancien combattant kurde semblait serein. Jusqu’à la diffusion, en même temps, d’une allocution de M. Abadi le dénonçant une nouvelle fois vigoureusement.

Ses traits se sont alors tirés, mais il poursuivit son projet, la rue kurde misant sur un hypothétique tweet de soutien de dernière minute du président américain Donald Trump.

« Au vu de l’opposition de (ses rivaux) de l’Union Patriotique du Kurdistan (UPK) et de Goran, le seul espoir aujourd’hui pour le PDK, c’est que Bagdad perde le soutien international », affirme M. Sowell.

Malgré tout, nuance M. Sowell, « on ne peut pas dire que M. Barzani a tout perdu politiquement car le Kurdistan n’est pas un régime démocratique et rien ne garantit que les élections à venir seront transparentes ».

Mais il fera face à une opposition déterminée. Le principal parti kurde d’opposition, Goran, a déjà demandé sa démission et la « constitution d’un gouvernement de salut national pour préparer le dialogue avec Bagdad et organiser de nouvelles élections ».

Dans l’immédiat, affirme Karim Bitar, de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), M. Barzani va donc être forcé de « reconsidérer son attitude maximaliste et de rouvrir des canaux de négociation ».

Car « les États-Unis et la communauté internationale dans son ensemble, à l’exception d’Israël, se disent attachés à l’unité de l’Irak », rappelle ce spécialiste du Moyen-Orient.

Pour Mutlu Civiroglu, spécialiste du Kurdistan, le président kurde a « eu une mauvaise lecture et a mal interprété les messages » notamment américains et turcs, menant à l’isolement des Kurdes dans le monde, mais aussi de son parti au Kurdistan.

« Il a probablement pensé que le président turc Recep Tayyip Erdogan ne s’opposerait pas à l’indépendance kurde car il a préféré ces dernières années Erbil à Bagdad », ajoute-t-il.

Pour M. Bitar, « depuis l’invasion américaine de 2003, une vision faussée de l’Irak comme une mosaïque d’identités ethniques et confessionnelles a été renforcée » et cette « tendance malheureuse et partagée par de nombreux experts et politiciens a sous-estimé le nationalisme irakien ».

« Pour paraphraser Mark Twain, conclut-il, on peut dire que les événements des derniers jours indiquent que ‘l’annonce de la mort de l’Irak a été très exagérée' ».

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