Le roi d’Espagne est intervenu dans cette crise, la pire qu’ait traversée son pays depuis la fin de la dictature de Francisco Franco en 1975, assurant vendredi que l’Etat saurait faire face à cette « tentative inacceptable de sécession (…) avec ses institutions démocratiques légitimes ».
« Nous ne voulons pas renoncer à ce que nous avons construit ensemble », a déclaré le souverain à l’occasion de la remise du Prix Princesse des Asturies, dont l’Union européenne était un des lauréats.
Un conseil des ministres extraordinaire a commencé peu après 10H00 heure locale (08H00 GMT) pour décider quelles compétences retirer à la Catalogne, en application d’un article jamais encore utilisé de la Constitution de 1978.
Le chef du gouvernement conservateur Mariano Rajoy devait dévoiler à la mi-journée les mesures qu’il a longuement négociées avec le Parti socialiste (PSOE), la principale force d’opposition, et ses alliés centristes de Ciudadanos.
Elles seront ensuite soumises à l’approbation du Sénat, attendue pour la fin octobre.
Logiquement, Madrid devrait prendre le contrôle de la police régionale, les Mossos d’Esquadra, dont le chef a été inculpé de sédition pour ne pas avoir empêché un référendum d’autodétermination le 1er octobre.
Le quotidien El Pais croit savoir samedi que le gouvernement va également destituer l’ensemble de l’exécutif catalan et convoquer des élections le plus tôt possible, peut-être dès janvier, en Catalogne.
Tous sont conscients de la mobilisation populaire que risque de susciter la suspension des prérogatives d’une région très jalouse de son autonomie, même si la population est divisée sur la question de l’indépendance.
Une grande manifestation était d’ailleurs prévue pour 17H00 (15H00 GMT) à Barcelone pour réclamer la libération de deux leaders indépendantistes.
Aussi Madrid insiste-t-il sur le fait que ces mesures seront limitées, provisoires et doivent déboucher à court terme sur de nouvelles élections régionales. Le PSOE souhaiterait les organiser dès la fin janvier.
Sommé de revenir à la légalité, le chef du gouvernement de Catalogne Carles Puigdemont a au contraire menacé de faire proclamer officiellement l’indépendance de cette région de 7,5 millions d’habitants si son autonomie était suspendue.
M. Puigdemont et son cabinet indépendantiste affirment avoir un mandat pour faire sécession, après avoir organisé un référendum d’autodétermination interdit par la justice.
D’après eux, plus de deux millions de Catalans, soit 43% de l’électorat, ont voté à 90% oui à l’indépendance malgré des interventions parfois violentes de la police pour les en empêcher.
Après ce scrutin, M. Puigdemont avait fait une déclaration ambigüe sur l’indépendance, annonçant immédiatement qu’il en suspendait les effets.
Mais c’est le Parlement catalan, où il dispose avec ses alliés d’une courte majorité absolue de 72 sièges sur 135, qui devrait officiellement proclamer la « République de Catalogne ».
Cette même assemblée avait déclenché dès novembre 2015 le processus de rupture avec l’Espagne, l’objectif étant d’instaurer une république indépendante au plus tard en 2017, annonçant qu’elle ne reconnaissait plus les décisions de la Cour constitutionnelle.
L’aile dure de la coalition pousse Carles Puigdemont à consommer la rupture mais cet ancien journaliste de 54 ans coiffé à la Beatles temporise devant l’impact économique de la crise et le manque d’appuis à l’étranger.
La France et l’Allemagne ont fermement condamné ses efforts en vue de la sécession et l’UE répète qu’elle ne reconnaîtrait pas l’indépendance de la Catalogne, qui quitterait automatiquement l’Union.
A l’occasion de la cérémonie des Prix Princesse d’Asturies à Oviedo, dans le nord-ouest de l’Espagne, le président du Parlement européen Antonio Tajani a dénoncé avec virulence ceux qui « sèment la discorde (et) ignorent volontairement les lois », dans une allusion transparente aux dirigeants catalans qui défient l’Etat depuis deux ans.
« Trop souvent par le passé la perspective de changer les frontières a été présentée comme une panacée divine et s’est transformée en un chaos infernal », a-t-il averti.
Emmenées par les deux plus grandes banques catalanes, Caixabank et Sabadell, près de 1.200 entreprises ont transféré leur siège social hors de Catalogne, les investissements sont suspendus et les réservations d’hôtel chutent dans la région la plus touristique d’Espagne.
Les dirigeants séparatistes promettaient depuis des années à leurs électeurs qu’une Catalogne indépendante serait reconnue par l’UE et prospérerait dès lors qu’elle ne paierait plus d’impôts à Madrid.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer