Chambre des conseillers: Un programme d' "assistance parlementaire", pour quoi faire ?

Alors que le statut d'assistant parlementaire n'existe pas au Maroc, la deuxième chambre du parlement a signé une convention qui prévoit l'assistance des conseillers par des doctorants. Le point sur le dispositif.

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Le 28 septembre, une convention tripartite a été signée entre la Chambre des conseillers, le Fondation Westminster pour la démocratie (WTD) et l’université Mohammed V à Rabat, pour poser les bases d’un programme d’assistance parlementaire.

Actuellement, les parlementaires ne disposent pas d’équipe qui leur est dédiée, mais s’appuient sur le personnel de leur groupe politique, qui sont des fonctionnaires des chambres. En France par exemple, chaque parlementaire dispose d’une enveloppe d’environ 9.000 euros (plus de 100.000 dirhams) pour employer jusqu’à cinq personnes.

38 doctorants déployés sur des missions ponctuelles

La convention prévoit de mettre à disposition des conseillers 38 doctorants de l’université Mohammed V. Ils assisteront les parlementaires qui en feront la demande, sur des missions et études ponctuelles. Une opération gratuite pour la Chambre des conseillers, puisque les doctorants seront rémunérés par la Fondation Westminster pour la démocratie, via une bourse d’études.

Si le montant n’a pas encore été officiellement dévoilé, ceux-ci pourraient être rémunérés autour de 2.000 dirhams par mois. La convention fixe en effet le cadre général du partenariat, les modalités précises restent à déterminer, notamment la date de début de l’expérience.

Au-delà de l’aspect pécuniaire, les doctorants bénéficieront également d’une formation au sein de la Chambre des conseillers durant deux sessions parlementaires consécutives. Thomas Reilly, ambassadeur de la Grande-Bretagne au Maroc, s’est réjoui de cette convention qui constitue selon lui « une initiative innovante d’une valeur ajoutée pour la Chambre des conseillers et l’université marocaine« .

Une commission sera chargée de coordonner et d’évaluer le bilan de l’expérience. Pour le président de la deuxième chambre, Hakim Benchamach, « cette convention constitue une étape importante dans la vie de l’institution législative et renforcera l’ouverture de la chambre sur son environnement universitaire et académique« . Mais la solution est-elle vraiment suffisante pour assister les parlementaires dans leur travail législatif? Qu’en pensent les principaux concernés?

« Travailler de manière démocratique demande beaucoup de moyens« 

Une source au sein de la Chambre des conseillers nous confie que les Conseillers manquent cruellement de moyens pour accomplir leurs tâches. « Les gens ignorent la réalité du travail parlementaire, on ne voit pas qu’il y a des parlementaires qui veulent travailler, mais n’en ont pas les moyens. Les Marocains doivent savoir que la démocratie a un coût. Quand vous voulez travailler de manière démocratique, cela demande beaucoup de travail, et donc de moyens« .

Selon cette source, le système actuel pose problème, car les groupes politiques sont obligés de puiser dans les ressources de l’administration de la Chambre pour constituer leur propre staff, ce qui limite les choix et impose la contrainte de travailler avec des personnes qui ne partagent pas forcément la ligne politique du parti. « C’est un problème de longue haleine et un sujet très sensible, il faut bousculer les choses pour que cela change« , nous confie-t-on.

Sur le dispositif mis en place dans le cadre de la convention, notre interlocuteur estime que « c’est un pas en avant pour les parlementaires et un acquis pour les étudiants qui ont besoin d’expérience de terrain. Mais ce qu’il faudrait, c’est créer une vraie ligne budgétaire pour embaucher« .

Mehdi Bensaïd, député PAM, insiste quant à lui sur le fait que « le travail politique n’est pas un travail administratif. Un assistant est censé représenter la sensibilité politique de son parlementaire, or un doctorant qui est neutre n’a pas forcément la même sensibilité que le parlementaire qu’il va assister« . Il considère que « cette convention est une bonne action en soi, mais si on veut réellement des débats d’idées contradictoires au sein des chambres, il faudrait que les parlementaires puissent avoir au moins un assistant chacun ». 

Le risque des emplois de complaisance ?

Une autre source au sein de la Chambre des conseillers voit les choses sous un autre angle: celui du risque de débloquer des fonds pour favoriser des emplois familiaux ou de complaisance. Il prend pour exemple les dérives des assistants parlementaires français, avec l’affaire de l’ex-candidat à l’élection présidentielle François Fillon. Il évoque aussi le cas d’un président d’une municipalité importante qui a dû démissionner de son mandat parlementaire du fait de la loi française qui interdit le cumul des mandats, et qui est devenu l’assistant parlementaire de son remplaçant.

A cet argument, Mehdi Bensaïd répond qu’il faudra mettre en place un cahier des charges pour embaucher les assistants, par exemple ne pas donner le droit de recruter au sein de sa famille. « Je suis contre l’augmentation des indemnités des parlementaires, mais investir dans un staff c’est nécessaire pour un bon fonctionnement démocratique« , estime-t-il.

Notre autre source est quant à elle d’avis que le staff des groupes politiques est un dispositif qui fonctionne bien, dans la mesure où le parlementaire est censé défendre la ligne de son parti politique. Une approche qui questionne plus profondément sur le rôle des parlementaires au sein de leur assemblée : sont-ils là uniquement pour conglomérer des blocs politiques uniformes qui s’affrontent entre eux, ou ont-ils vocation à avoir une identité politique propre qui peut varier, tout en étant rattaché à un groupe politique?

La question ne semble pas tranchée pour les parlementaires marocains. Une chose est sûre : le programme d’assistance mis en place ouvre la voie à un débat nécessaire pour le fonctionnement démocratique des institutions du royaume.

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