En pleine nuit, Jad, riche héritier et fou du volant traverse comme un dératé le Casablanca bling-bling jusqu’à Aïn Diab en moins de 4 minutes chrono. La scène d’ouverture du nouveau long métrage de Nour-Eddine Lakhmari, fait écho à l’atmosphère dark de l’excellent Drive de Nicolas Winding Refn. La comparaison s’arrête là. Si le réalisateur danois offre à voir un film noir sur la mobilité (prix de la mise en scène Cannes, 2011), Lakhmari verse dans une anthropologie cinématographique (parfois approximative) sur les rapports de forces entre riches et pauvres, conservateurs et humanistes, hommes et femmes dans un Casablanca magnifié, à la lumière léchée, mais aux paradoxes criants. On s’explique.
Burn Out met en scène trois histoires parallèles et centrales. Il y a d’abord l’héritier taciturne incarné par Anas El Baz qui tente de sortir de son spleen en défiant irraisonnablement la vitesse et en se liant d’amitié avec Ayoub (incarné par Ilyass El Jihani), un brave-enfant cireur du kariane next-door. Vient ensuite Aïda (Sarah Perles à l’écran), une étudiante en médecine venue de Tiznit qui vend ses charmes à un politicien conservateur, un vrai paradoxe ambulant. Ce personnage abominable, incarné par Driss Roukh cherche « un peu de compagnie et beaucoup d’affection », comme le dit si bien Soumaya, maquerelle de luxe incarnée par Fatima-Zahra Jaouhari. Et enfin M. Ghazali un collectionneur d’art distingué mais perché, tente de troquer un très beau tableau de Abbès Saladi à l’insue d’Inès. Cette galeriste incarnée sans reliefs par Morjana Alaoui veut monter une exposition de l’illustre peintre marocain. Et elle se trouve être la femme de Jad. A partir de là, le fil de l’intrigue va dans tous les sens. On ne vous spoile pas plus. Les personnages se croisent fortuitement ou pas dans un Casablanca fantasmé, plus clean et aseptisé que jamais. Le réalisateur voulait donner « un look tokyoïte » à Dar El Beida. C’est osé, mais pas forcément réussi.
Et si la muse urbaine du réalisateur est centrale (des cafés aux restaurants en passant par la galerie, les Casaouis auront du plaisir à reconnaître les espaces de tournage), Burn Out fait avant tout état de problématiques sociales brûlantes et controversées, chères à Nour-Eddine Lakhmari. Il y a la question de l’avortement. La problématique est d’abord évoquée au détour d’une discussion entre le politicien malfrat, futur ministre anti-IVG, et la jeune escort-girl et se termine dans un bloc opératoire d’un hôpital. La pédophilie, l’addiction juvénile ou encore le viol sont aussi évoqués dans le film. Le réalisateur a peut-être un peu trop forcé sur le trait militant. Il y a aussi des moments plus légers, parfois naïfs, voire même fantasmés. Comme cette scène où Jad invite Ayoub, sa mère, son amant et son ami à dîner dans un restaurant chic. Ou quand l’archétype idéalisé du riche collectionneur d’art casaoui est présenté comme un esthète tortueux écoutant du Miles Davis et jouant de la batterie dans une demeure minimaliste.
Pour faire court, dans Burn Out, la forme est maîtrisée (mention spéciale à la musique), mais le fond fait débat. Les dialogues sont très peu éloquents, le propos du film pas assez fin, mais une chose est sûre : le quatrième long-métrage de Nour-Eddine Lakhmari est à voir.
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