Non respect des critères et conflits d’intérêt. Ce sont les raisons qui poussent Jamal Khanoussi, patron de Ihata, à contester sur son site d’information le 19 septembre la sélection du film de Nabil Ayouch, Razzia, pour concourir aux présélections des Oscars 2018 dans la section « meilleur film étranger« . Le choix a été fait par une commission de sélection qui s’est réunie les 14 et 15 septembre au sein du Centre cinématographique marocain (CCM), présidée par Mahi Binebine. Razzia a gagné à 5 voix contre 2, selon le directeur du CCM, Sarim Fassi Fihri.
Selon Jamal Khanoussi, le film de Nabil Ayouch ne répond pas aux critères établis par l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences, qui sont pourtant cités dans le communiqué du CCM. Le règlement stipule qu’un film doit avoir été diffusé dans une salle de cinéma commerciale pendant au moins sept jours consécutifs pour être sélectionné.
Le film de Nabil Ayouch a été diffusé du 23 au 29 août dans la salle du cinéma Colisée à Marrakech, comme nous le confirme la directrice de l’établissement Mounia Layadi Benkirane, faisant aussi partie du jury de la commission. Selon les chiffres du CCM, Razzia a attiré… 14 spectateurs, pour une recette de 420 dirhams. Si le fait de projeter son film sept jours dans une petite salle de Marrakech permet à Nabil Ayouch de rentrer dans les clous, Jamal Khanoussi nous répond que « le problème est surtout éthique« .
« Prétendre que le film a été projeté une semaine à Marrakech est une manière de contourner la règle pour être éligible« , affirme Jamal Khanoussi. Une analyse que ne partage pas Sarim Fassi Fihri contacté par Telquel.ma. « Fin juillet, Nabil Ayouch nous a présenté le film qui a eu un visa de contrôle, il est passé dans une salle de cinéma pendant sept jours et donc il est éligible. Les règles ont été respectées, et si ce n’est pas le cas l’Oscar aurait refusé d’emblée le film« , rétorque le patron du CCM.
« Le CCM est une institution qui légifère en matière de cinéma et elle n’aurait pas pu accepter mon film si il n’était pas en règle« , réagit Nabil Ayouch, principal concerné qui avoue que son film n’a pas de fait de sortie nationale « pour des raisons de calendrier« . « Je veux sortir le film en janvier« , nous annonce-t-il.
« Nous ne sommes pas les seuls à avoir recours à cette procédure, c’est le cas de films du monde entier, qu’ils soient égyptien, irakien et même européen« , assure Nabil Ayouch. Une pratique que confirme la propriétaire du cinéma Colisée Mounia Layadi Benkirane. « Les sorties techniques de la sorte sont courantes dans tous les pays. Un autre film en concurrence avec Razzia, Pluie de sueur, a utilisé la même procédure« , explique-t-elle.
A cela, Jamal Khanoussi répond que cette pratique est surtout présente dans les « pays en sous-développement« . « Et Nabil Ayouch est le producteur de Pluie de sueur« , relève-t-il.
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Conflit d’intérêt entre le jury et Nabil Ayouch ?
L’autre reproche de Jamal Khanoussi qui invaliderait la sélection de Razzia, c’est le conflit d’intérêt entre les membres du comité de sélection et Nabil Ayouch. Il établit dans l’article publié sur Ihata a liste des liens qui existent entre le réalisateur sélectionné et les membres du jury.
L’une des membres du jury est Mounia Layadi Benkirane, la propriétaire de la seule salle qui a projeté Razzia. Mahi Binebine, qui préside le comité, est un proche de Nabil Ayouch avec qui il a travaillé sur le film Les chevaux de Dieu et sur le projet de centre culturel Les étoiles de Sidi Moumen. Sa fille joue même le rôle d’Ines dans le film Razzia. L’actrice et réalisatrice Samia Akariou a travaillé avec la boîte de production de Nabil Ayouch, tout comme un autre membre du jury, Zakia Tahiri, réalisatrice et productrice. « La commission a été choisie pour garantir la sélection du film de Nabil Ayouch aux Oscars« , dénonce Jamal Khanoussi.
Contacté par H24info, Mahi Binebine a réagi à cette polémique. « Nabil Ayouch a une boîte de production, c’est normal qu’il travaille avec tout le monde. En ce qui me concerne, nous sommes liés, oui, (…) mais dire qu’il y a eu des magouilles est une insulte à mon intégrité« , s’est indigné l’artiste marocain. Il ajoute que Razzia n’a jamais été favorisé par le CCM : « Il n’a pas reçu d’avance sur recette et a même été interdit aux moins de 16 ans« . « Ce qui me pose problème c’est Mahi Binebine qui aurait du nous dire que sa fille joue dans le film. Mais au final, Binebine ne représente qu’une voix sur sept« , commente Sarim Fassi Fihri qui ajoute tout de même que « tout le monde collabore avec tout le monde dans le cinéma au Maroc qui est un petit monde« .
« Jamal Khanoussi est le mari d’une réalisatrice qui n’a pas été sélectionnée au festival de Tanger, ni pour concourir aux Oscars« , souligne Sarim Fassi Fihri. Quand on soulève la question, Jamal Khanoussi nous répond, catégorique : « Je suis producteur et coscénariste, mais avant tout journaliste. Ma femme, qui a réalisé le film Au pays des merveilles, par ailleurs premier au box office au Maroc lors du premier semestre 2017, n’a jamais déposé son film devant le comité ».
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