Dans une interview accordée au magazine américain Variety, Nabil Ayouch a annoncé les grandes lignes de sa prochaine création, « Razzia ». Le film se compose de cinq histoires différentes, dont une partie se déroule durant les années 1980, au cœur des montagnes de l’Atlas et l’autre de nos jours à Casablanca. Les cinq récits s’organisent autour d’un même thème : l’intolérance.
Initialement, le film devait être une science-fiction sociale à propos du fossé entre les pauvres et les riches, mais le réalisateur a changé le script pour se concentrer davantage sur le drame humain du personnage principal.
Un combat pour la liberté d’expression
Dans ce nouveau script, écrit par Nabil Ayouch et Maryam Touzani, il existe toujours une dimension sociale mais il s’agit moins du fossé entre les riches et les pauvres que des problèmes autour de la liberté d’expression. Les personnages, incarnés entre autres par Maryam Touzani, Abdelilah Rachid, Dounia Binebine, Amine Ennaji et la belge Ariel Worthalter, sont tous à la recherche d’une forme de liberté.
Hakim, l’un des personnages, est vendeur de tapis dans un quartier pauvre de Casablanca. Le jeune homme, grand passionné de Freddy Mercury, rêve de devenir musicien, ce que son père ne voit pas d’un bon œil. Un combat pour la liberté que le réalisateur estime d’autant plus dur à mener pour les femmes qui vivent au Maroc. C’est le cas de l’un des personnages qui ne peut pas mener la vie qu’elle veut. Elle décide alors de déménager et commencer une nouvelle vie loin de son mari.
Chaque personnage du présent est lié à un enseignant qui travaillait dans une petite école d’un village berbère isolé, situé dans les montagnes de l’Atlas en 1982. Un homme plein de rêves qui voulait transmettre sa vision aux enfants pour les rendre meilleurs, mais qui a été arrêté par les autorités. Une métaphore utilisée par Nabil Ayouch pour critiquer la réforme éducative de 1982, dont le Maroc paye les frais aujourd’hui : « Elle a tourné le dos aux sciences humaines. Cela s’est produit à travers tout le Maghreb. Au Maroc, les disciplines, comme la sociologie ou la philosophie, ont été retirées du programme. On en subit maintenant les conséquences. On est en train de construire un nouvel être humain ».
Un hommage au film de Michael Curtiz
Au-delà des problématiques sociales, le film est aussi un clin d’œil cinématographique. Ce long-métrage fait référence au célèbre « Casablanca » de Michael Curtiz. Symbole de la ville à travers le monde, le film mythique n’a pourtant pas été tourné au Maroc mais dans les studios d’Hollywood. Un paradoxe dont s’est servi le réalisateur pour penser son film : « Comme des millions de gens, j’adore ce film. Il y a quelques années, j’ai rencontré un producteur à New York qui m’a demandé comment cette ville pouvait être aussi célèbre à travers le monde alors qu’aucune scène n’a été tournée au Maroc. Il m’a demandé si ça m’énervait. J’avais dis non. Mais maintenant je réalise que oui ça m’énervait. Même les Marocains pensent que le film a été tourné ici ».
Pour représenter ce paradoxe, Nabil Ayouch a donc décidé de créer un personnage qui pense que le film a été tourné sur place. On retrouve également des images de « Casablanca » ainsi que certaines chansons de la bande originale comme « As Times Go By ». Des images complétées par des plans de la ville de Casablanca comme l’ancienne médina et les quartiers pauvres, dans lesquels vivent certains personnages. Une analogie qui n’est pas simplement culturelle, explique le réalisateur, mais aussi politique : « Dans les deux films, les gens se battent contre une idéologie. Dans Casablanca, ils se battent contre le nazisme et dans mon film ils essayent aussi de résister ».
Nabil Ayouch affirme qu’il espère terminer le film à temps pour Cannes 2017. Une grande opportunité, selon lui, pour montrer l’évolution des mentalités au Maroc mais aussi à travers le monde : « Les mentalités régressent pour une seule raison : la liberté d’expression. Nous retournons en arrière. Ces deux ou trois dernières années, et pas seulement au Maroc mais à travers le monde, on a effectué un grand pas en arrière ».
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