Accusée de "néocolonialisme" et de "racisme", la directrice du Centre Jacques Berque se défend

Le Centre Jacques Berque pour les études en sciences humaines et sociales est au centre d'une polémique depuis la publication d'une pétition dénonçant "des relents de néocolonialisme et de racisme" de la part de sa directrice française.

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Une pétition lancée vendredi 8 septembre sur la plateforme Change.org par un « Collectif de jeunes chercheurs » accuse Sabrina Mervin, la directrice du Centre Jacques Berque (CJB), de faire « régner un climat de terreur en toute impunité, notamment quand il s’agit du personnel non français du Centre« .

La pétition, intitulée « France – Maroc : un coopérant ne devrait pas faire ça », est adressée au président français Emmanuel Macron et au chef du gouvernement marocain. À l’heure actuelle, elle a recueilli plus de 130 soutiens.

À en croire les auteurs de la pétition, la directrice du CJB « a éloigné des doctorants et des chercheurs, souvent avec des relents de néocolonialisme et de racisme ». D’après eux, « Madame Mervin a exercé sur le personnel marocain du Centre un harcèlement continu d’une rare violence ». La pétition dénonce également le « révisionnisme » de la part de la directrice du CJB.

Les initiateurs de l’initiative accusent aussi la directrice du centre d’avoir « manqué de respect à une nation entière en semant le doute sur le rôle joué par Sa Majesté Mohammed V pour la protection des juifs du Maroc lors de la Deuxième Guerre mondiale« .

« Outre les accusations de racisme et de néocolonialisme que je trouve exagérées, le reste du contenu de la pétition est véridique, je peux vous le confirmer », nous confie un ex-chercheur du centre qui a récemment quitté le CJB. « Si je n’ai pas été moi-même victime du comportement de la directrice, j’ai été témoin de plusieurs incidents avec d’autres chercheurs et membres du staff du Centre« , ajoute-t-il, avant de conclure : « je crois que les auteurs de la pétition se sont éloignés du réel problème, qui est l’éloignement par la directrice, depuis le début de son mandat, de plusieurs chercheurs associés, pour des raisons floues« .

Même constat du côté d’un autre chercheur ayant requis l’anonymat, et qui affirme que « 18 chercheurs travaillent actuellement dans le centre, dont seulement 3 ou 4 actifs, alors qu’ils étaient environ 70 avant l’arrivée de Sabrina Mervin ».

La directrice du Centre a réagi dimanche soir à la polémique via la page Facebook du CJB. « Les accusations de racisme, de colonialisme et de révisionnisme proférées contre moi sont aberrantes et relèvent de la diffamation », a-t-elle écrit, concédant toutefois que « le Centre Jacques Berque traverse effectivement une crise due à des problèmes sérieux au sein de l’équipe administrative ».

Contacté par Telquel.ma, le directeur du Centre des études et des recherches sahariennes, Rahal Boubrik, a pris la défense de Sabrina Mervin, avec qui il a « collaboré à plusieurs reprises ». « Je connais Sabrina Mervin depuis 20 ans. Je ne comprends pas comment on peut l’accuser de racisme et de néocolonialisme alors qu’elle a travaillé dans l’humanitaire en Mauritanie dans les années 1990, qu’elle a consacré sa thèse au chiisme au Liban, qu’elle parle arabe. C’est de la pure diffamation », a-t-il répété.

Une source au sein de l’ambassade de France au Maroc a assuré à nos confrères de Medias24 « avoir reçu des témoignages sur des problèmes de gouvernance du Centre Jacques Berque« , ajoutant que le ministère des Affaires étrangères « a lancé des audits qui n’ont pas conclu à la seule responsabilité de Mervin ».

Toutefois, la même source indique n’avoir reçu « aucun élément probant qui confirmerait un comportement inacceptable de cette membre du réseau d’enseignement étranger de la France« .

Spécialiste en histoire et anthropologie, Sabrina Mervin a remplacé en 2015 Baudouin Dupret. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages sur l’islam et le chiisme, dont Histoire de l’islam, Fondements et doctrines (éd. Flammarion, 2000) et Un réformisme chiite (éd. Karthala, 2000).

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