« Cinq policiers en costume cravate ont fait irruption ce midi à la piscine de l’hôtel Mövenpick, à Tunis, pour embarquer le prince Moulay Hicham, » rapportait le journaliste Ignacio Cembrebro pour LeDesk et TSA le 8 septembre. Le cousin germain de Mohammed VI y séjournait pour intervenir à l’Omidyar Network Leadership Forum, un symposium organisé par le Center on Democracy, Development, and the Rule of Law (CDDRL) de l’Université. « Mon intervention dans ce symposium académique, sponsorisé par l’Université de Stanford, allait proposer une perspective comparative sur la transition politique tunisienne, et les défis de la consolidation de la démocratie, » explique Moulay Hicham à Nawaat.org.
L’auteur du Journal d’un prince banni livre au média tunisien un récit détaillé de cette expulsion. « Au début, c’est à l’hôtel où des policiers, accompagnés par le directeur de l’hôtel, m’ont approché. […] Ils n’ont pas précisé pour quelle raison on m’approchait, mais ils m’ont dit qu’il y avait un problème à résoudre concernant la douane. J’ai répondu que si c’était un problème de douane, il faudrait inspecter ma chambre et mes affaires, » déclare-t-il. Une fouille de ses affaires et de sa chambre s’en suit. « En sortant de l’hôtel, les policiers s’attendaient à ce que je les accompagne à l’aéroport dans un véhicule fourni par l’hôtel. Mais j’ai demandé de monter avec les policiers dans leur véhicule officiel puisque je voulais qu’il soit clair que j’étais officiellement sous leur responsabilité en cas de n’importe quel risque pour ma vie, » détaille le prince.
« Les policiers m’ont emmené directement à l’aéroport, » affirme-t-il, alors que plusieurs médias faisaient état d’un passage par le commissariat. « Le directeur d’Air France m’a informé qu’on lui avait demandé de me réserver une place pour le vol en partance vers Paris. À ce moment, je me suis adressé aux policiers pour dire que c’était une expulsion forcée et qu’il faudrait donc une explication. J’ai demandé une documentation officielle confirmant cette déportation et ses raisons légales. La police a donc reconnu que tant que je n’ai commis aucun crime ou délit, ils ne pouvaient pas fournir de documents officiels, » témoigne Moulay Hicham, précisant avoir insisté pour obtenir un document officiel, cacheté. « Je leur ai dit qu’en l’absence de documentation officielle, ils devraient me mettre des menottes pour me faire monter à bord de l’avion. C’était le cachet ou les menottes. Après 45 minutes d’attente, ils ont cédé et ont tamponné le passeport, » poursuit-il.
Les raisons de l’expulsion du prince demeurent incertaines. Très vite, l’hypothèse de pressions d’autorités étrangères à la Tunisie a émergé, et notamment du côté de ses cousins royaux : Marocains du côté de son père Moulay Abdallah, Saoudiens du côté de sa mère Lalla Lamia. Quelques heures après l’expulsion de Moulay Hicham, le professeur Larry Diamond, organisateur du symposium, publiait une série de Tweets qui mettaient directement en cause les autorités marocaines.
Sad: #Tunisia, only Arab democracy, deported @MoulayHichamSW before he could engage @StanfordCDDRL Omidyar Network Leadership Forum here /1
— LarryDiamond (@LarryDiamond) September 8, 2017
Is Moroccan government so insecure that it cannot allow Prince @MoulayHichamSW to speak in ANOTHER Arab country about Democ & Rule of Law?/2
— LarryDiamond (@LarryDiamond) September 8, 2017
Delighted to be in #Tunisia–whose democracy deserves global support. But wish it had not yielded to neighboring authoritarian pressure. /3
— LarryDiamond (@LarryDiamond) September 8, 2017
Une analyse tempérée par Ali Amar, auteur de Moulay Hicham, itinéraire d’une ambition démesurée qui écrit sur LeDesk.ma qu’il dirige : « Depuis les Printemps arabes, il parcourt le monde, organisant conférences, séminaires et rencontres. Ses interventions, souvent critiques envers les régimes arabes au-delà du cas du Maroc, ont au fil des ans exaspéré bien des États rétifs à ses analyses prônant un changement politique de leurs régimes monarchiques. C’est dans ce contexte, alors que la situation au Moyen-Orient s’est davantage complexifiée qu’il faut comprendre son expulsion de la Tunisie. Le prince a tout de suite accusé le Maroc qui aurait fait pression, selon lui, sur le pouvoir tunisien. Or ce qu’il ne dit pas publiquement, c’est que bien plus qu’à Rabat, qui a tourné la page de ses embardées contre Mohammed VI, c’est au Moyen-Orient que son activisme est désormais vu d’un œil noir. »
Interrogé par Nawaat, Moulay Hicham assure ne pas avoir « envie de spéculer » sur ces différentes hypothèses. « Je ne me suis pas adressé aux autorités marocaines pour savoir davantage sur ma situation, et je n’ai aucune idée concernant leur implication, » déclare-t-il. De même côté Moyen-Orient : « Je n’ai aucune idée sur l’interférence saoudienne ou émiratie dans ces affaires académiques, et encore une fois, je n’ai pas envie de spéculer« .
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer