Mustafa Ramid démissionnera-t-il de son poste de ministre? Révélée le 16 août par Akhbar Al Yaoum, quotidien réputé proche du parti de la lampe, l’information se répand comme une trainée de poudre. Assailli par les questions, le ministre d’État chargé des droits de l’Homme botte en touche. « Si un responsable gouvernemental constate qu’il ne peut assumer convenablement sa mission, la solution est de partir. Pour mon cas, je suis aujourd’hui ministre d’État et j’assume cette responsabilité telle que m’y oblige ma conscience. Ce qui adviendra demain, seul Dieu le sait« , répète-t-il aux journalistes. Interrogé par Assabah, le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, affirme n’avoir reçu aucune lettre de démission de la part de Ramid.
Mais les lieutenants du PJD semblent jouer sur les mots. « Ramid a bel et bien fait part, oralement, à El Othmani de son intention de démissionner », nous confie une source proche du chef du gouvernement. La raison? Les spéculations vont bon train. Certaines sources évoquent un ras-le-bol général. D’autres avancent le mutisme de Ramid au sujet des dérives sécuritaires liées à la gestion du Hirak, et qui lui est reproché jusque dans son propre camp. Invité le 9 août au 13e meeting de la chabiba du PJD à Fès, Ramid a été accueilli avec des questions au ton « dur« , voire « arrogant« , selon les propres mots du ministre.
« J’avais dit [pendant la formation du gouvernement, NDLR] au frère Abdelilah Benkirane que je ne voulais pas faire partie du gouvernement, c’est lui qui me l’a imposé en tant que secrétaire général du parti, le chef du gouvernement l’a soutenu, ensuite Sa Majesté a eu son mot à dire« , se défendait-il devant la jeunesse du PJD. « Mon parcours au gouvernement est une succession de sacrifices : j’ai sacrifié ma réputation, j’ai sacrifié une grande partie de ma santé, j’ai sacrifié des relations. Savez-vous que je n’ai plus d’amis? », poursuivait l’ancien ministre de la Justice.
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Les critiques des jeunes du PJD étaient-elles la goutte qui a fait déborder le vase ? « Non, la volonté de démission n’a rien à voir avec ce meeting et les critiques auxquelles il s’attendait de toute façon », tranche un proche du ministre des Droits de l’Homme. « Il a surtout été touché par les critiques autour des jeunes du PJD qui étaient détenus pour apologie du terrorisme [graciés par le roi lors de la dernière Fête du trône] alors qu’il était ministre de la Justice », poursuit la même source.
Mis entre le marteau de ses responsabilités gouvernementales et l’enclume de ses anciens engagements pour la défense des droits de l’Homme, Ramid sort parfois de ses gonds pour exprimer son ire sur les réseaux sociaux. Ainsi, en juillet dernier, il n’hésite pas à fustiger la diffusion d’une vidéo jugée dégradante du leader du Hirak Nasser Zafzafi. Il avait estimé que « la dignité de tous Marocains est une ligne rouge« . Une sortie qui en rappelle une précédente, lors de la campagne des dernières législatives.
Supervisant l’organisation de celles-ci avec son homologue de l’Intérieur Mohammed Hassad, le ministre de la Justice sort de sa réserve en septembre pour « se dégager de toute responsabilité dans le cadre de la préparation des législatives du 7 octobre ». Il en est de même de sa sortie en date du 8 juillet dernier quand un sit-in de solidarité avec Silya Ziani et le Hirak est réprimé par les autorités, ce qui a suscité l’indignation de Ramid: « le fait qu’un élément des forces auxiliaires piétine un citoyen assis par terre est une agression », déclare-t-il à l’occasion.
Alors, Mustafa Ramid joindra-t-il l’acte à la parole en quittant le gouvernement El Othmani – qu’il défend bec et ongles ? En tout cas, le ministre d’État n’en est pas à sa première tentative. Alors ministre de la Justice, il a brandi sa démission à trois reprises devant Abdelilah Benkirane durant le dernier quinquennat, dont une fois par écrit. « Chaque fois qu’il n’en pouvait plus, il essayait de quitter, mais Benkirane ne donnait pas suite à sa demande lui laissant le temps de se raviser« , explique un proche de l’ex-chef du gouvernement. « Pour que sa démission soit acceptée, il faut d’abord qu’elle soit validée par le chef du gouvernement et jusque-là, il n’en est rien« , nuance une source proche de Ramid.
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