Il veut « sauver les migrants« … en les « ramenant dans des ports non européens« . Depuis le 9 juillet, le navire C-Star navigue en Méditerranée sous l’oeil affolé des associations de droits de l’homme. Loin d’une croisière de plaisance, son objectif assumé est de « Surveiller les bateaux des ONG » en perturbant leur travail. Celles-ci étant accusées de complicité avec « les passeurs« .
L’équipage du C-Star entend également signaler les embarcations de migrants auprès des autorités libyennes afin d’éviter qu’elles ne débarquent sur le continent européen. Les activistes du navire se sont également donné pour mission de couler les bateaux vides « afin qu’ils ne puissent plus servir« . En résumé, ces militants disent vouloir « défendre l’Europe« . Mais derrière ces facéties, se cache un projet inédit qui fédère de larges franges de l’extrême droite européenne. Une situation préoccupante pour les humanitaires comme les ONG.
« Vous ne ferez pas de l’Europe votre foyer«
Tout commence le 17 mai 2017. Lancés sur un paquebot, une poignée d’activistes d’extrême droite tentent de perturber le travail de l’Aquarius, navire de Médecins sans Frontière et SOS Méditerranée. L’idée d’une bataille navale en Méditerranée sur fond idéologique voit alors le jour. Une campagne de crowdfunding initiée par la mouvance identitaire européenne est lancée pour louer un navire. C’est le début des ennuis.
Rapidement, la collecte est interrompue suite aux signalements d’internautes révoltés par le projet. Les identitaires réussissent néanmoins à récolter 70.000 euros avant de migrer vers une autre plateforme de crowdfunding: Wesearch. Fondée par le militant d’extrême droite américain Chuck Johnson, celle-ci a naturellement laissé la campagne se faire. Le projet récolte alors 200.000 euros supplémentaires, notamment grâce au soutien de membres éminents du Ku Klux Klan.
Début juillet, ces activistes parviennent à louer un navire mongol de 40 mètres : le C-Star. L’embarcation prend la mer avec à son bord une poignée de militants identitaires autrichiens, allemands, italiens et français. Très actif sur les réseaux sociaux, l’équipage chronique quotidiennement son périple dès ses premiers pas en Méditerranée.
?? Notre équipage s’approche des côtes libyennes. L’objectif de la mission : #DefendEurope !
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— Defend Europe (@DefendEuropeID) 5 août 2017
Accusé de transport… de migrants !
Après une escale à Chypre, un nouvel obstacle attend le C-Star. Le plus raciste des navires étant accusés par les autorités locales… de trafic de migrants. Le capitaine, son adjoint et sept autres membres d’équipage sont placés en garde à vue pour « falsification présumée de documents« . En cause : la présence à bord de 20 Tamouls srilankais présentés par les identitaires comme des « apprentis marins« , souhaitant « valider un diplôme« .
Mais selon le quotidien chypriote Kibris Postasi, il s’agirait plutôt de réfugiés souhaitant rejoindre l’Italie. Certains auraient d’ailleurs payé pour pouvoir naviguer à bord du navire d’extrême droite. Finalement, certains seront reconduits au Sri Lanka, alors que d’autres demanderont l’asile. De leur côté, les identitaires du C-Star, réussiront à reprendre la mer, faute de preuve.
Refoulé des ports grecs et siciliens, le navire poursuit tout de même sa « mission ». Pas vraiment fan du monde musulman, l’équipage décide tout de même de se ravitailler en Tunisie. Mais là encore, les identitaires ne sont pas les bienvenus. En guise de comité d’accueil, des militants brandissent des banderoles « no-racists ». Une fois de plus, le C-Star se retrouve dans une situation des plus ironiques : celui d’un étranger affrontant les réticences de son pays d’accueil.
#zarzis in tunisia people say no to racists against the #CStar who want to enter and refuel. #DefundDefendEuropepic.twitter.com/6Mh1jsg6oB
— Giulia Bertoluzzi (@Giu_Bertoluzzi) 6 août 2017
Quand un bateau censé sauver les migrants leur vient en aide
Après avoir tenté de perturber le travail de son meilleur ennemi l’Aquarius en le menaçant via un mégaphone, le C-Star rentre dans un silence radio inquiétant. Un évènement surprenant pour cet équipage qui communique régulièrement en plusieurs langues.
Entre alors en jeu le Sea-Eye, un navire chargé de porté assistance aux migrants. Via sa page facebook, celui-ci annonce un signal de détresse émis au large des côtes libyenne par ce qu’il qualifie de « bateau de nazis », à savoir le C-Star. N’étant plus à un paradoxe près, le bateau des identitaires est rejoint par le Sea-Eye qui tente de les secourir. Une aide refusée par les militants d’extrême droite qui ont entre-temps évoqué un « problème technique » par communiqué sur Twitter, en précisant n’avoir sollicité à « aucun moment une aide extérieure« .
Toujours situé au large des côtes libyennes, le C-Star entend bien poursuivre ses objectifs. Si jusqu’à présent le navire a surtout fait parler de lui pour ses galères, sa présence en Méditerranée n’en reste pas moins préoccupante. Car au-delà du symbole, le C-Star a d’ores et déjà rempli l’un de ses objectifs : fédérer l’extrême droite européenne derrière un projet commun. Mais loin de leurs pays d’origine, les identitaires n’ont pas fini pas d’affronter les obstacles. Ces militants éprouvent désormais le sentiment que provoque l’extrême droite chez de nombreux immigrés: celui d’un étranger non désiré, qui peine à se faire accueillir dans la dignité.
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