Oumarou Paul Koalaga, spécialiste burkinabé du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne, revient sur le timing et la portée de la récente attaque jihadiste qui a fait 18 morts et une dizaine de blessés.
La capitale du Burkina Faso a été frappée, ce dimanche 13 août 2017, par un attentat dont plus de la moitié des victimes est d’origine étrangère. C’est la deuxième fois que la ville est prise pour cible en l’espace d’un an et demi, après l’attaque du café-restaurant Cappuccino, qui avait fait 30 morts le 15 janvier 2016.
Comment peut-on expliquer ce deuxième attentat en l’espace d’un an et demi?
Les terroristes ne fonctionnent pas suivant un calendrier strict. Il y a cependant plusieurs raisons qui peuvent expliquer pourquoi le pays a été frappé ce dimanche. Tout d’abord, j’ai le sentiment que la vigilance, qui avait été renforcée après l’attentat de janvier 2016, a été relâchée ces derniers mois. Les forces de police ont également été mobilisées ailleurs, par des grèves à répétition. Sur le plan militaire, d’importants moyens ont été déployés dans le nord du pays, afin de réduire la capacité de nuisance des groupes terroristes sévissant dans le Sahel. Se sentant acculés, ces derniers ont probablement voulu frapper Ouagadougou pour montrer qu’ils étaient toujours dangereux, et que les renforts soient renvoyés pour assurer la protection de la capitale.
C’est encore l’avenue Kwame Nkrumah, vitrine économique de la capitale, qui a été touchée. Le symbole est-il différent cette fois-ci?
Le fait que ce soit la même avenue n’est pas fortuit. C’est un lieu fréquenté par les expatriés, mais aussi par la classe moyenne burkinabè. Toute la communauté internationale était visée. Par ailleurs, le nom du café attaqué (« Aziz Istanbul », NDLR) peut paraître anecdotique, mais je pense que c’est également un message envoyé aux autorités turques, qui mènent une lutte intense contre les mouvements jihadistes en Syrie.
La procureure en charge de l’enquête a déclaré que le type d’armes (Kalachnikov) et le mode opératoire étaient les mêmes que ceux employés lors de l’attentat du 15 janvier 2016, revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). L’auteur est-il forcément le même?
L’opération semble avoir été méticuleusement préparée, menée par des jeunes déterminés, prêts à mourir. Il y a eu plusieurs actes criminels ou des règlements de compte depuis deux ans dans le septentrion, mais c’est véritablement la troisième offensive jihadiste depuis janvier 2016, après le Cappuccino et Nassoumbou (douze soldats burkinabés avaient été tués dans l’attaque nocturne de leur caserne, le 16 décembre 2016, NDLR). Je ne serais pas étonné que celle-ci porte plus spécifiquement la signature d’Ibrahim Malam Dicko, un prêcheur radical qui essaie de s’implanter territorialement dans le Sahel burkinabé. Son groupe Ansarul Islam est indirectement assimilé à AQMI, l’organisation qui chapeaute tous ces groupuscules.
Selon vous, quelles sont les solutions pour lutter contre le terrorisme jihadiste violent?
Il faut mener une lutte coordonnée pour le combattre sur le terrain, notamment à travers le G5 Sahel (un projet de contingent de 5.000 militaires mauritaniens, maliens, burkinabés, nigériens et tchadiens, initié en 2015 et réactivé en février dernier à Bamako, NDLR) , qu’il est urgent de rendre opérationnel. Il va également falloir accélérer les politiques de prévention de la radicalisation, car la réponse du tout-sécuritaire ne suffira pas.
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