Quand une institution internationale se penche pour analyser le modèle de développement marocain, le problème du faible investissement dans le capital humain est omniprésent.
C’est sans surprise donc que le Centre de développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) souligne « un retard important en termes d’accumulation de capital humain, qui pénalise la productivité du travail: celle-ci reste peu élevée, inférieure par exemple à celle de la Tunisie ou de la Turquie« .
La présentation du rapport « Examen multidimensionnel du Maroc : volume 1. Évaluation initiale », présidée par le chef du gouvernement Saad Eddine El Othmani, le 11 juillet a été l’occasion pour plusieurs ministres présents ainsi que pour le gouverneur de Bank Al Maghrib d’entendre une nouvelle fois que « l’accès à l’éducation peine à se généraliser et est marqué par de profondes inégalités territoriales, socio-économiques et de genre« .
Pour l’OCDE qui a élaboré ce rapport en étroite collaboration avec le gouvernement marocain, « seuls 58% des Marocains sont scolarisés au niveau du collège contre 90% au Vietnam ou en Turquie. Les taux d’achèvement sont faibles et les déperditions importantes: moins de cinq élèves sur cent obtiennent leur baccalauréat sans aucun redoublement ». Un constat qui rappelle le rapport de la banque mondiale qui dépeignait une triste réalité du secteur de l’éducation.
Mario Pezzini, directeur du centre de développement de l’OCDE et conseiller spécial auprès du secrétaire général de l’organisme, chargé du développement, déplore le manque d’adéquation entre la formation de compétences et les besoins du marché du travail. « Un handicap majeur pour la croissance et la création d’emplois de qualité« , relève-t-il.
Sur ce point, le gouverneur de Bank Al Maghrib qui est intervenu à la fin de la présentation a estimé que l’éducation, le chômage et la croissance sont indissociables. « L’un des premiers déficits pour le Maroc, c’est l’emploi. Il me semble qu’attaquer ce problème revient à attaquer celui de l’éducation et de la formation », a déclaré le wali de Bank Al Maghrib cité par nos confrères de Médias24.
Les limites de l’État-investisseur
Le rapport de l’OCDE analyse également le modèle de développement du Maroc basé sur un « rôle affirmé de l’État dans l’économie notamment en termes d’investissement ». Un rôle que Jouahri confirme dans son intervention quand il déclare à Medias24: « nous faisons un effort invraisemblable en matière d’investissement par rapport aux autres pays de la planète, mais ça ne se répercute pas au niveau de la croissance« . Pour l’OCDE comme pour la banque mondiale, « ce modèle est appelé à évoluer pour répondre à ses propres limites ainsi qu’aux transformations de l’économie mondiale« .
La transformation la plus urgente serait de rendre l’action publique plus efficace. La plupart des politiques sectorielles sont en effet élaborées en silos avec des mécanismes de coordination parfois défaillants. Pour y remédier, l’OCDE préconise une plus grande cohérence « des différentes politiques publiques sectorielles dans leurs objectifs et dans leur mise en œuvre« .
Cela passerait par la mise en place d’un document de politique générale du développement. « S’attaquer à ces contraintes pourrait constituer la première étape d’une refonte partielle du modèle de développement auquel le Centre de développement de l’OCDE pourrait s’associer », déclare Mario Pezzini.
Compétitivité: peut mieux faire
« L’économie marocaine peine à faire émerger le développement de secteurs capables de jouer un rôle moteur pour la croissance économique et de générer de l’emploi« , diagnostique l’OCDE qui estime que le Maroc pourrait capitaliser davantage sur ses atouts de compétitivité. « À la différence d’autres pays comme la Turquie, la Tunisie ou le Vietnam, le nombre de produits marocains bénéficiant d’un avantage comparatif stagne depuis près de 20 ans et la demande mondiale ralentit pour la plupart des produits concernés, comme le textile« , analysent les économistes de l’organisation internationale.
La faute à la corruption, les difficultés d’obtention des financements ou la concurrence du secteur informel. Selon l’OCDE, « ces obstacles empêchent le pays de saisir toutes les opportunités pour entreprendre une transformation structurelle profonde et menacent, à terme, le bon positionnement du Maroc à l’international ». Les vieux démons sont difficiles à chasser.
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