Le 4 juillet à Addis Abeba, durant le 29e sommet de l’Union africaine, la question du Sahara a une nouvelle fois été abordée au moment de l’adoption par les chefs d’État d’un rapport du Conseil paix et sécurité. Le Maroc, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita a demandé l’amendement de son paragraphe 9 qui « divise« , selon la diplomatie marocaine. In fine, le paragraphe ne sera pas amendé , mais assorti de la liste des 18 pays qui émettent « de fortes réserves« . En revanche, le débat a permis de faire adopter, directement par les chefs d’État, une résolution de l’UA qui fait dire à Nasser Bourita en conférence de presse que « sur la question du Sahara, le Maroc est très satisfait de l’UA« . Telquel.ma a eu un accès partiel au contenu de ces débats à huis clos et s’est procuré les documents cités que nous publions.
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Nasser Bourita : Sans entrer dans le contenu, sur le fond du débat sur cette question, je souhaite, monsieur le Président, faire trois ou quatre remarques. En janvier dernier dans cette enceinte, Sa Majesté le roi Mohammed VI avait dit que le Maroc rentre pour éviter les divisions et que les sujets qui nous divisent ne doivent pas être posés de cette sorte. Deuxièmement, les parties ont choisi que la discussion sur la question du Sahara soit [traitée, NDLR] aux Nations unies. C’est le cadre préféré, choisi par les parties, pour le règlement de ce différend. Troisièmement, le secrétaire général des Nations unies entend donner une forte impulsion à ce processus à travers la nomination d’un nouvel envoyé personnel et à travers une relance du processus pour une solution consensuelle. Il peut, il doit même, continuer ce processus et il le fait déjà. Il le fait à travers le Conseil de sécurité dont trois membres siègent aussi ici, à travers la coordination entre l’Union africaine et le secrétariat de l’ONU, à travers le rôle et l’action des chefs d’États et des États individuellement dans leur interaction avec les Nations unies.
Le paragraphe tel qu’il est proposé aujourd’hui pose trois problèmes. D’abord, c’est un paragraphe qui va nous diviser, parce que son langage n’est pas consensuel. C’est un paragraphe qui crée deux processus parallèles : un processus à Addis et un processus à New York. Alors que la décision des parties elles-mêmes est de confier cette question aux Nations unies. Troisièmement, le paragraphe dans cette version est une réponse bizarre parce que nous citons des résolutions des Nations unies, mais ces résolutions ont été changées. Par ignorance ou par mauvaise foi, nous citons des résolutions sur lesquelles il y a eu des changements aux Nations unies. Donc c’est pour éviter tout débat de fond sur cette question que je demande que ce paragraphe soit amendé. Je dois préciser monsieur le Président, qu’une vingtaine de délégations soutiennent cette proposition du Maroc. Nous aurons le temps, après, de vous donner la liste des pays qui sont contre un paragraphe qui divise, un paragraphe que l’on ne comprend pas, et un paragraphe qui divise le processus choisi par les parties pour le règlement de ce conflit.
Réponse inaudible d’Alpha Condé, qui redonne ensuite la parole à Nasser Bourita.
Nasser Bourita : Lorsqu’on dit, monsieur le président, qu’on appelle les deux États membres à engager des pourparlers directs, sérieux, à apporter la coopération nécessaire aux organes politiques de l’UA, à la Commission, au Haut-représentant de l’UA pour le Sahara occidental, on crée un processus, parce qu’après on dit qu’on « se félicite de l’engagement du SG des Nations unies pour relancer le processus de négociation avec une nouvelle dynamique et un nouvel esprit en vue de la reprise des négociations« . Si on se félicite de l’engagement du secrétaire général pour relancer le processus de négociation, la première partie du paragraphe est inutile. Et même en citant la résolution dans cette deuxième partie, il y a des calques, des formules, qui ont été déformées.
Alpha Condé donne la parole à Moussa Faki, président de la Commission de l’UA.
Moussa Faki : Effectivement, c’est une question qui divise. Est-ce qu’il ne serait pas utile, sur la base de la légalité internationale, de trouver un autre niveau pour traiter cette question ? Je suggérerais fortement que cette question soit soumise aux chefs d’État. Suite inaudible.
Applaudissements
Nasser Bourita : Donc sur cette base et compte tenu de la formulation proposée par monsieur le Président, nous comprenons que ce paragraphe sera supprimé.
Alpha Condé : Non, il n’a pas dit ça. Suite inaudible
Applaudissements.
Nasser Bourita : Je vous prie dans ce cas de noter les pays qui ont émis les réserves.
Bronca de réprobations.
Nasser Bourita, haussant la voix pour couvrir le bruit: Parce que le Maroc n’est pas seul, monsieur le Président. Il y a une vingtaine de pays qui ont émis des réserves. Et il est normal que ce soit présent.
Alpha Condé : Bon, je crois que les pays qui ont émis des réserves sont autorisés à apporter leur voix au Maroc. Donc on fait un papier à transmettre à la Commission pour une résolution. Non, j’ai dit que cette fois c’était terminé.
Un État prend la parole sur le paragraphe 12, qui ne concerne pas le Sahara. S’en suivent de brefs échanges avec Alpha Condé, durant une dizaine de minutes. Puis lecture, vraisemblablement par Moussa Faki, d’un projet de résolution sur le Sahara que voici :
- La Conférence se félicite du retour du Royaume du Maroc au sein de la famille africaine, retour dont elle espère qu’il accroîtra les capacités de l’Organisation à faire face aux différents défis et crises diverses qui secouent le Continent, y compris la promotion des éléments d’une solution mutuellement acceptée par les parties sur la base des résolutions pertinentes de l’UA et des Nations unies sur le Sahara occidental.
- La Conférence se félicite de la baisse significative de la tension dans le territoire et le retrait des forces des parties des zones de confrontation, notamment de Guergerat, ainsi que le retour du personnel de la Minurso.
- La Conférence salue la nomination par le Secrétaire général des Nations unies d’un nouvel envoyé personnel accepté par les parties au conflit, en la personne de Son Excellence Monsieur Horst Kohler, ancien président d’Allemagne.
- La Conférence engage les Présidents de l’UA et de la Commission de l’UA, sur la base de l’accord-cadre signé entre l’UA et l’ONU le 19 mai 2017 à New York, à assurer le soutien approprié à l’initiative que le Secrétaire général des Nations unies envisage d’entreprendre pour parvenir à un accord sur une solution consensuelle et définitive au conflit.
- La Conférence demande aux Présidents de l’UA et de la Commission de l’UA en concertation avec le Conseil de paix et sécurité de l’UA, de prendre les mesures appropriées, y compris la revitalisation éventuelle du Comité des chefs d’État décidé en 1978, pour soutenir les efforts des Nations Unies et d’encourager les parties aujourd’hui présentes toutes les deux au sein de l’UA, pour coopérer loyalement en vue du succès du processus.
- La conférence demande au Président de la Commission de l’UA de lui faire un rapport en janvier 2018 sur les mesures et initiatives qu’il prendra seul ou avec le président de l’UA en partenariat avec les Nations unies sur la question.
- La conférence demeure saisie du dossier.
Alpha Condé : Est-ce qu’il y a des points sur lesquels vous voulez émettre des réserves ? Le Maroc a la parole.
Bourita : Je ne peux pas encore me prononcer, mais à la lecture du texte j’ai l’impression qu’on a avancé. On préfère d’abord voir leur texte, et on verra.
Alpha Condé : La République arabe sahraouie, vous avez la parole.
Réponse inaudible, probablement de Brahim Ghali présent dans la salle. Applaudissements.
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