Non, la révolution n’est pas aux portes du Maroc. L’affirmer ne relève pas de la méthode Coué, mais d’une évaluation objective de la situation. D’Al Hoceïma jusqu’à Rabat, les manifestants ne réclament pas un changement de régime politique et ne s’attaquent pas aux institutions : ils expriment une colère et réclament leurs droits. Leur bon droit. Les dizaines de milliers de Marocains — majoritairement adlistes, il est vrai — qui ont défilé le dimanche 11 juin, calmement, étaient à quelques mètres du parlement, dans un quasi corps-à-corps avec le petit cordon de sécurité assuré par les forces de l’ordre. Aucune tension, aucune animosité. La maturité des manifestants d’un côté, et la retenue des forces de l’ordre de l’autre. C’est tout le mal que l’on peut souhaiter au Maroc. Manifester est une pratique courante et surtout un droit dans tout pays libre. Chez nous, il faut l’intégrer et se délester des traumatismes du “Printemps arabe”. Laissons la presse internationale s’embourber dans des jugements hâtifs et des grilles de lecture simplistes. C’est la même, réceptive à la propagande du Makhzen, qui jurait il y a quelques mois encore, que le Maroc était une exception.
Ce que traverse le Maroc est une crise sérieuse et grave. Prévisible car, comme de nombreux sages s’égosillent à le répéter, notre modèle de développement est en panne. Nos politiques publiques ne convergent pas vers les besoins des Marocains, et notre système politique est toujours dominé par l’absence de transparence et de reddition des comptes, avec des poussées d’autoritarisme Ceci n’est pas une révolution beaucoup trop fréquentes. Le constat n’est pas nouveau, mais aujourd’hui la rue exerce une pression réelle sur les pouvoirs publics pour que le train des réformes se mette en marche. Le Maroc bouillonne et des réponses sont attendues à des questions sociales, économiques, politiques, culturelles et même identitaires. Le risque de dérapage est d’abord dans l’arrogance des pouvoirs publics. Le gouvernement a insulté les Rifains, l’appareil sé- curitaire a réprimé et la justice a eu, jusqu’à présent, la main beaucoup trop lourde. Il est temps d’arrêter l’escalade.
De nombreuses voix, surtout dans la presse nationale, s’élèvent aujourd’hui pour implorer le roi d’intervenir. Ce n’est pourtant pas la solution à privilégier. Comme nous l’avons défendu lors des dernières élections et pendant toute la période de blocage gouvernemental, les institutions de ce pays doivent agir et réagir en toute indépendance. Et, surtout, en toute indépendance du Palais. Elles sont faibles certes, mais à quelque chose malheur est bon. Si une solution institutionnelle à cette crise est trouvée, le Maroc en sortira grandi et renforcé. Les sages interpellés par TelQuel proposent des pistes de sortie de crise conformé- ment au respect des institutions (lire page 26). Driss Khrouz rappelle d’ailleurs assez justement que “la démocratie n’a pas besoin d’autorité mais de respect des institutions”. Comme Rome, le Maroc démocratique ne se fera pas en un jour. Mais il est temps de s’y mettre. Tous.
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