Telquel.ma: Les observateurs imputent la forte participation à la marche du 11 juin à la Jamâa. Est-ce une victoire pour votre mouvement?
Hassan Bennajeh: La Jamâa a joué un rôle important dans cette manifestation, non pas comme entité d’opposition, mais parce que la situation d’injustice dans le Rif et d’autres régions du pays nous imposent de sortir dans la rue. Lorsque nous prenons part à une manifestation, ce n’est pas pour mettre en avant notre organisation.
Mais vous n’allez pas nier le poids politique d’Al Adl lors de cette marche…
Nous sommes des citoyens marocains qui revendiquent le changement. Nous sommes des individus avant d’être membres de la Jamâa. D’ailleurs, je tiens à féliciter tous les organismes ayant participé à cette marche. Nous nous sommes entraidés et nous avons fait abstraction de nos différends idéologiques pour cette cause noble.
Une partie de la presse vous accuse de « surfer sur la vague » du Hirak. Qu’avez-vous à répondre?
Une grande partie de la presse a couvert la manifestation et la participation de la Jamâa de manière objective et crédible. Oui, il y a eu une participation massive de la Jamâa, nous étions disciplinés et en concordance avec les autres participants, donc nous ne cherchons pas à surfer sur la vague comme le prétendent certains médias de l’appareil de l’État. On avait l’impression que le même texte avait été envoyé à l’ensemble des rédactions de cette presse sensationnaliste. Cela ne nous étonne pas, nous en avons l’habitude. Heureusement qu’il y a de l’autre côté de la balance, des médias impartiaux.
Vous avez évoqué la participation d’un million de personnes à la manifestation de dimanche. C’est très très loin de la réalité du terrain…
Quand nous avons parlé d’une manifestation d’un million de personnes, c’est métaphorique. Malgré les divergences dans les chiffres de participation, tout le monde s’accorde à dire que la manifestation d’hier était grandiose. Et ce n’est pas la peine de rentrer dans un combat de chiffres. Il y avait des centaines de milliers de personnes dans les rues (nos journalistes présents sur place évoquent près de 40.000 personnes, NDLR). Une démonstration inédite qui dépasse de loin les manifestations du 20 février ou autres. Plusieurs journalistes ont déclaré qu’ils n’ont jamais vu un tel déploiement humain et c’est ça notre victoire.
Qu’espérez-vous comme réponse de la part des autorités?
Nous avons accompli notre mission. Après, est-ce que les responsables tendront l’oreille pour répondre aux revendications de la population? Je n’en sais rien! Quand je parle de responsables, il s’agit du roi aussi. Il a la responsabilité d’écouter la rue et de répondre à ses revendications. Les gens dans le Rif souffrent depuis plus de sept mois sans que rien ne soit fait. Il faut des solutions viables et claires et non pas de la propagande qui va juste calmer la colère du peuple. J’invoque ici le discours du 9 mars que plusieurs personnes ont applaudi. Pourquoi observe-t-on un retour en arrière six ans plus tard? Tout simplement parce que ce genre d’approche n’est pas viable, car il n’y a pas de reddition des comptes de la part des responsables de cette situation de tension. Au lieu de choisir des boucs émissaires, il faut penser sérieusement à des solutions concrètes.
Que proposez-vous comme solution ?
C’est assez simple, il faut des solutions démocratiques: libérer les personnes arrêtées et répondre aux revendications de la population. Ils veulent des écoles et des hôpitaux, est-ce trop demander? Les responsables proposent des mesures minimes alors qu’on est face à des moments cruciaux. Ce que vit aujourd’hui le Rif est du déjà vu et ça ne devrait pas se reproduire.
Quelle est la prochaine étape pour la Jamâa ?
Tant que le Hirak est vivant, nous avancerons à ses côtés. La manifestation d’hier n’est qu’un début. Si d’autres manifestations sont prévues, nous y prendrons part. Il faut savoir que certains membres de la Jamâa n’ont pas pris part à la marche d’hier. Les autres moyens dont on dispose sont la mobilisation. Quand vous voyez que la Jamâa réussit à mobiliser du monde, c’est qu’il y a un travail derrière. Les membres d’Al Adl wal Ihssane travaillent sur le terrain. Un travail de sensibilisation, de prédication et social est fait.
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