#MouchBessif (« on n’est pas forcé »), c’est le nom de la campagne qui a été lancée en Tunisie appelant au respect de la liberté des Tunisiens qui s’abstiennent de jeûner. Elle appelle les fattaras (non-jeûneurs) tunisiens à manifester dimanche 11 juin prochain devant le Théâtre Municipal de Tunis sur l’avenue Habib Bouguiba pour faire valoir leur liberté de conscience. Un événement Facebook a été créé à cette occasion pour mobiliser les Tunisiens concernés et ceux qui appellent à la tolérance religieuse.
« MouchBessif est une campagne organisée par des non-jeûneurs tunisiens pour montrer qu’on a le droit de le dire et de l’être en plein public et d’être respectés sans être agressés », affirme Rahma Essid, une organisatrice de l’événement, contactée par Telquel.ma. À travers cette campagne, les Tunisiens revendiquent leur droit de s’abstenir à jeûner et en appellent à la « liberté de conscience » inscrite dans la Constitution tunisienne de 2014. Cette liberté est consacrée dans l’article 6 de ladite Constitution en vertu duquel « l’État est gardien de la religion. Il garantit la liberté de croyance, de conscience et le libre exercice des cultes« .
La chasse aux fattaras
Cette campagne intervient après la fermeture de cafés et restaurants par les autorités pendant le ramadan. Par ailleurs, quatre Tunisiens ont été condamnés à un mois de prison après avoir été aperçus en train de manger dans un jardin public à Bizerte. Leur acte a été perçu comme une provocation. Ils ont alors été condamnés pour « outrage public à la pudeur« . Les agressions et condamnations se sont multipliées ces derniers jours d’après Rahma Essid. « Deux jeunes se sont fait agresser par des policiers à Sfax, car ils ne jeûnaient pas. Ce matin, le maire de Tunis a fermé un café, mais comme le propriétaire refusait, il s’est fait agresser par les policiers qui accompagnaient le maire« , nous explique-t-elle.
« Cette chasse aux non-jeûneurs ne date pas d’hier », nous rappelle Rahma Essid. En 1981, la circulaire Mzali préconisait la fermeture des cafés et restaurants, et interdisait la vente d’alcool pendant le mois de ramadan. Elle avait été annulée la même année par Habib Bourguiba avant d’être réactivée par Ben Ali. « La chasse aux non-jeûneurs n’est pas nouvelle, mais la nouveauté cette année, c’est qu’ils appliquent l’article 226 bis du Code pénal tunisien ». L’article en question condamne toute personne « qui porte publiquement atteinte aux bonnes mœurs ou à la morale publique par le geste ou la parole ou gêne intentionnellement autrui d’une façon qui porte atteinte à la pudeur ».
La « chasse aux non-jeûneurs » a été accentuée par l’islamiste Adel Almi, président du parti Tounes Zayrtouna. « Chaque Ramadan, il ne s’attarde pas à pourchasser les non-jeûneurs au nom de la religion et au nom de sa loi. Il s’octroie le droit de violer en toute vantardise celle des autres. Accompagné d’un notaire et de gamins pour filmer les fattaras, Almi fait des descentes dans les cafés et les restaurants ouverts pour les menacer, les dénoncer et les diffamer sur les réseaux sociaux« , décrit l’hebdomadaire tunisien Réalités.
La campagne #MouchBessif trouve des soutiens même étrangers. Parmi eux, Walid Al Husseini, l’écrivain palestinien athée, connu pour ses critiques envers l’islam.
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