Exclusif: ce que pense Ilyas Elomari du Hirak

Absent des radars malgré ses responsabilités de président de la région et de chef de parti, Ilyas Elomari rejette la faute au gouvernement qui avait fait la sourde oreille à ses sonnettes d’alarme.

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Ilyas El Omari © Yassine Toumi / TELQUEL

Depuis l’enlisement de la situation au Rif, les regards sont dirigés vers le président de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Ilyas Elomari , à qui l’on reproche d’avoir failli à sa mission. Le patron du PAM manque toujours à l’appel lors des déplacements des officiels à Al Hoceima. « Je n’ai pas été invité« , se défend-il. Dans cet entretien, il renvoie la balle au gouvernement qui ne l’a pas écouté lorsque « la situation n’avait pas encore évolué« .

 Telquel.ma: Pourquoi avez-vous disparu des radars en pleine crise?

Ilyas Elomari: Parce qu’au tout début, avant même le Hirak, j’ai demandé au gouvernement d’intervenir et de faire avancer les projets, car il était évident que le mouvement allait évoluer. Le Chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, m’avait alors répondu que je n’avais pas le droit de lui écrire. Je me suis adressé aussi aux ministres de l’Intérieur, de l’Agriculture et de la Justice, qui m’ont dit que la justice suivait son cours. En tant que président de la région, c’est tout ce que je pouvais faire. J’avais alors deux choix : faire des sorties en dénonçant, ce qui n’était pas concevable, car j’aurais créé un conflit entre la région et le gouvernement ou entre partis politiques – tout cela au détriment de l’intérêt du citoyen –, ou alors garder le silence, quitte à en payer le prix. J’ai préféré la deuxième option.

Je précise aussi que je n’ai été ni prévenu ni invité lors des déplacements des ministres et du chef du gouvernement. Un jour, en voyant que la situation allait échapper à tout contrôle, j’ai diffusé un communiqué au nom de la région, où j’ai dit que cette institution était ouverte au dialogue à tout moment. Certaines associations ont répondu à l’appel, comme celle des pêcheurs, ce qui explique pourquoi elle ne participe pas au Hirak. C’est le cas aussi de l’association des diplômés chômeurs qui a répondu à l’appel, puisque la région organise une formation au profit de 1.600 de ces diplômés chômeurs.

Je tiens d’ailleurs à préciser que, de retour des États-Unis, c’est moi qui ai écrit au ministre de l’Intérieur pour demander le report des concours vu que la formation organisée par la région Tanger-Tétouan- Al Hoceima n’est pas encore terminée. Il faut que cette formation de 400 heures, qui a coûté à la région 5 millions de dirhams, soit achevée afin que ces diplômés puissent participer à ces concours.

Quel regard portez-vous sur les accusations portées contre le Hirak ?

En tant que président de la région et en tant que chef du PAM, je ne suis pas responsable de l’aspect sécuritaire. C’est du ressort du gouvernement. Et c’est le gouvernement qui les accuse de mener une action anti-marocaine, de recevoir des financements de l’étranger. Il faut donc qu’il le prouve. Moi, je ne peux pas vous dire si ces accusations sont vraies ou fausses.

Lors du tremblement de terre qui a frappé Al Hoceima en 2004, vous étiez au-devant de la scène. Pour la situation actuelle, malgré votre mandat d’élu, et bien que vous apparteniez à cette région et que vous soyez à la tête d’un parti arrivé deuxième aux élections, vous semblez absent. Est-ce une sorte de démission de votre part?

À l’époque du tremblement de terre, j’agissais en tant qu’acteur de la société civile. Là, j’ai deux casquettes, celles du président de la région et du secrétaire général d’un parti d’opposition. Toute implication qui sort de ce cadre sera mal interprétée par les gens. On dira par exemple que le président de la région ou le chef du PAM se réunit avec les manifestants pour leur dire que le gouvernement n’a pas fait son travail ou que le projet « Al Hoceima, Manarat Al Moutawassit » a connu du retard à cause du gouvernement… J’en tirerais profit à titre personnel, mais ce serait nuisible aux intérêts du pays.

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Avez-vous déjà rencontré Nasser Zefzafi ?

Il ne m’a jamais contacté et je ne l’ai jamais contacté. J’ai lancé un appel au dialogue, qu’il a boycotté sous prétexte qu’il refuse de dialoguer avec « des officines politiques », comme il a d’ailleurs refusé de négocier avec une caravane menée par des associations des droits de l’Homme.

C’est peut-être parce que les manifestants considèrent que les élus n’ont plus aucune crédibilité…

Mais que peut faire un élu? Que peut faire le président d’une commune qui a un million de dirhams comme budget annuel et qui ne sert qu’à payer les salaires?

Il ne s’agit pas tant du budget que de la capacité à contenir leur colère, à les écouter…

Les jeunes qui dirigent le mouvement refusent tous les élus, tous les partis politiques, y compris la Voie démocratique. Tout comme ils refusent  de négocier avec le gouvernement et le wali. Pour quelle raison?

Qu’en est-il de ce centre d’oncologie, dont les manifestants réclament la construction? Où est donc passé celui inauguré par le roi en 2008?

Il fonctionne, ce centre. Je ne comprends pas pourquoi certains ministres font encore la promesse de la construction d’un centre d’oncologie. Il y a un problème au niveau du scanner pour la radiothérapie, car la chimiothérapie s’y fait toujours. Maintenant, il faut en gros un investissement de 12 millions de dirhams pour la radiothérapie. L’année dernière, j’ai signé en tant que président de la région une convention avec le ministre de la Santé et j’ai versé les 12 millions de dirhams, mais l’équipement n’a pas été acheté sous prétexte de « bureaucratie ». D’ailleurs, à côté du centre, il y a une association, financée par la région, la commune d’Al Hoceima, qui aide les patients. Sauf qu’il y a des cancers qui doivent être traités au niveau du CHU.

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