« Allahou Akbar, Allahou Akbar« , crie Hamid Chabat, entouré de militants qui organisent un cordon autour de lui pour éviter l’intervention des forces de l’ordre venues déloger le patron de l’Istiqlal et ses soutiens. « Notez-le bien, pour l’histoire, si jamais je meurs à Dieu ne plaise, ce sera des mains des services du Royaume du Maroc« , lance Chabat. S’il avait déjà tenu des propos polémiques par le passé, jamais le secrétaire général du parti à la balance ne s’était aussi frontalement attaqué à l’État. Il avait bien déclaré être « surveillé, traqué par les services« , et avait même affirmé que son téléphone était « mis sur écoute« , mais jamais Chabat n’avait évoqué le meurtre dans ses accusations.
Qu’est-ce qui a donc fait sortir à ce point de ses gonds le patron de la troisième force numérique au parlement? Reconstituons le fil de l’histoire. La tension latente à l’intérieur de l’Istiqlal entre les pro-Chabat et ceux qui réclament son départ s’est déplacée à l’UGTM (Union générale des travailleurs du Maroc), syndicat proche de l’Istiqlal et contrôlé jusque-là par Hamid Chabat.
L’élection d’Enaâm Mayara, chef de file du clan anti-Chabat au sein du syndicat et proche de Hamdi Ould Rachid, lors d’un congrès extraordinaire tenu le 7 mai, est rejetée par le candidat de Chabat, Kafi Cherrat. Ce dernier, estimant que le congrès qui a conduit à son éviction « manque de légitimité« , gèle aussi la trésorerie du syndicat, et porte-plainte. Entre-temps, le clan Chabat prépare son propre congrès extraordinaire. Enaâm Mayara saisit à son tour la justice, et obtient l’interdiction de ce rassemblement le vendredi 19 mai.
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Dimanche 21 mai, tout était donc réuni pour que l’affaire dégénère. Saisi d’urgence en référé, un tribunal décide l’interdiction de la rencontre. Dans un communiqué la DGSN explique que son intervention avait pour seule finalité « l’exécution d’une décision en référé émise par une autorité judiciaire compétente sur la base d’une ordonnance écrite du parquet compétent« . De leur côté, les pro-Chabat soutiennent mordicus être dans leur bon droit, et affirment disposer d’une décision de justice les autorisant à se réunir.
Tout s’emballe. Quelques minutes après le début du congrès et l’élection à l’unanimité des membres du bureau exécutif, plusieurs dizaines de policiers s’introduisent dans la salle et tentent de faire descendre Hamid Chabat de l’estrade. Indifférent, ce dernier poursuit son discours et harangue les foules. Il accuse le ministère de l’Intérieur de « combattre l’action syndicale » et qualifie la police de « force de répression« .
La police goûte peu le propos de Hamid Chabat et se réserve le droit de recourir à la Justice. « Les insinuations et les graves accusations [de Hamid Chabat, NDLR] constituent une diffamation flagrante, une atteinte manifeste à la considération personnelle due aux fonctionnaires [de la DGSN] et un outrage envers un corps constitué« , peut-on lire dans le communiqué de la DGSN.
Selon le politologue Omar Cherkaoui, ce degré de tension entre l’Etat et l’Istiqlal est inédit: « même quand Mhammed Boucetta a refusé de devenir Premier ministre, les relations étaient restées bonnes avec Hassan II« . Pour Cherkaoui, Chabat est allé trop loin: « défier l’Etat signifie la défaite d’un parti, devant la suprématie de l’Etat« . Pourquoi adopte-t-il alors ce ton ? « Il a peur que l’on active des poursuites sur des dossiers qui le concernent (…) et du coup il hausse le ton. Il met la pression pour renforcer sa position de négociateur », analyse Omar Cherkaoui. Pour le politologue, Chabat est motivé par « sa grande base et son influence au sein des instances » du parti de l’Istiqlal. Une influence qu’il pourrait toutefois perdre s’il multiplie ce genre de sorties, d’après le Cherkaoui. Contactés par Telquel.ma, Hamid Chabat, ainsi que les membres de la commission exécutive du parti n’ont pas donné suite à nos appels.
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