Alors que de nombreux Hoceimis ont manifesté jeudi 18 mai et que le mouvement de contestation Hirak Chaabi ne faiblit pas, une délégation de plusieurs ministres et directeurs d’institutions publiques s’est rendue dans la province le 22 mai. La délégation devait « examiner » et « accélérer » l’état d’avancement des chantiers de développement lancés dans la région « en réponse aux revendications légitimes exprimées par la population de la province« , écrit l’agence officielle MAP.
Menée par le ministre de l’Intérieur Abdelouafi Laftit, la délégation comprenait entre autres les ministres de l’Agriculture Aziz Akhannouch, de l’Éducation Mohamed Hassad, de la Santé El Houcine Louardi, des Transports Abdelkader Amara, de la Culture et de la Communication Mohamed Laaraj, ainsi que la secrétaire d’État chargée de l’eau Charafat Afilal et le directeur de l’ONEE Ali Fassi Fihri.
Après avoir visité plusieurs projets (en cours de réalisation ou à l’arrêt) du programme de développement d’Al Hoceima qui cumule depuis 2015 du retard, la délégation ministérielle a entamé, dans l’après-midi, une réunion marathon avec les élus locaux et acteurs associatifs de la ville. La rencontre a duré plus de 8 heures selon Nabil Andaloussi, parlementaire PJD ayant pris part à la réunion. « C’était une rencontre très constructive. Elle s’est déroulée dans un climat d’apaisement et sans tensions« , se félicite Charafat Afilal, secrétaire d’État chargée de l’Eau.
Chaque ministre a présenté l’état d’avancement des chantiers du programme de développement d’Al Hoceima liés à son département. « Nous avons fait le point sur le programme Al Hoceima, Manarat Al moutawassit, dont les chantiers sont suivis de près par les membres du gouvernement« , nous assure Charafat Afilal. « Nous avons tenu à rassurer la population en insistant sur un point primordial: Al Hoceima n’est pas oublié« , insiste la secrétaire d’État.
Au cours de cette rencontre, les annonces les plus importantes ont été faites par le ministre de l’Éducation nationale. Mohamed Hassad assure que dès l’année prochaine, une faculté pluridisciplinaire sera opérationnelle à Al Hoceima. Il a également promis la création de 500 postes afin de pallier le manque d’effectif dans la province. Il a aussi promis 400 millions de dirhams pour la « réhabilitation » des établissements scolaires.
Le ministre de la Santé El Houcine Louardi a pour sa part assuré que l’hôpital provincial d’Al Hoceima dont les travaux ont été lancés sera fin prêt l’année prochaine, de même qu’un centre hospitalier prévu à Imzouren (63 millions de dirhams). Selon une source sur place, Louardi a également promis des équipements importants pour le centre d’oncologie. Il a aussi annoncé la construction de six nouveaux centres hospitaliers et le réhabilitation de 29 autres, selon MAP.
De son côté, Charafat Afilal a annoncé que le barrage de Ghiss, lancé en 2016 et doté d’une enveloppe de 1,3 million de dirhams, est en cours de construction. Le ministre de l’Intérieur est lui revenu sur le fameux dahir de 1958 faisant d’Al Hoceima une zone militaire. Abdelouafi Laftit a insisté sur le fait que ce dahir n’est plus en vigueur depuis 1959. Un message que rappelle régulièrement le wali de la région, Mohamed El Yaakoubi, aux Hoceimis qui l’interpellent sur cette question.
Le ministre de l’Equipement et du Transport Abdelkader Amara, a annoncé la mobilisation de deux milliards de dirhams pour renforcer l’infrastructure routière de la province.
Les questions qui fâchent
Le moment phare de la rencontre est sans doute, le débat qui a suivi les présentations ministérielles. « Les interventions du public étaient politiques et assez critiques« , note Nabil Andaloussi. L’assistance a insisté sur le refus de la population de la province d’Al Hoceima d’être taxée de séparatiste et plusieurs personnes ont évoqué des dossiers sensibles soulevés lors des manifestations, notamment les cinq personnes brûlées dans une banque en 2011, les lobbys de la pêche maritime ou encore l’échec des projets de l’Instance équité et réconciliation (IER).
Selon Nabil Andaloussi, deux manifestants du Hirak étaient présents lors de cette rencontre et leur présence n’a pas manqué de faire jaser. « Ils ont communiqué le cahier revendicatif du mouvement au ministre de l’Intérieur et au wali« , nous confie-t-il. Pourtant, Nabil Ahmjik, autre manifestant du Hirak d’Al Hoceima, et inséparable de Nasser Zafzafi, estime pour sa part que dans la configuration actuelle, le Hirak n’a pas été présent lors de cette réunion. « Nous n’y avons pas été conviés« , nous explique-t-il. « On ne fait plus confiance à ce type de visite qui se solde par des paroles en l’air, comme les précédentes. Le plus important pour nous c’est que le cahier revendicatif soit mis en œuvre« , poursuit-il. « Pour le moment, l’État ne semble pas aller dans ce sens, car s’ils tenaient à répondre favorablement à nos revendications, ils l’auraient annoncé de manière claire« , explique l’activiste.
Pour cette frange du Hirak, la lutte continue. Après plus de six mois de protestation, le mouvement de contestation a réussi à rassembler le 18 mai des milliers de manifestants demandant dignité et équité économique et sociale. « Nous avons fixé la date du 20 juillet comme le rendez-vous d’une marche d’un million de personnes, nous allons continuer à protester et à occuper les rues selon différentes formes jusqu’à ce que notre cahier revendicatif soit entendu« , prévient Nabil Ahmjik.
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