Au Festival des musiques sacrées, Inouraz veut moderniser la musique traditionnelle amazighe

Inouraz, c'est l'espoir entretenu par quatre musiciens et une chanteuse de voir les chants traditionnels amazighs se renouveler, pour toucher le monde entier et les nouvelles générations.

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Inouraz, groupe de cinq artistes amazighs revisitent la musique traditionnelle. DR.

Les spectateurs se trémoussent, assis sur les tapis étalés dans la cour du riad Dar Adiyel de la médina de Fès le 14 mai. Les yeux rivés sur les musiciens assis en tailleur, et qui entourent la chanteuse du groupe Inouraz. Ils écoutent la musique traditionnelle amazighe, mélangée aux sonorités venues du monde entier pour donner une fusion originale.

Munis de leurs instruments typiquement amazighs comme le loutar ou le ribab, les artistes du groupe Inouraz (« espoir » en amazigh) disposent aussi d’une guitare électrique, d’une guitare classique, et jouent des percussions venues d’Afrique, d’Inde, ou d’ailleurs. Dirigé par le percussionniste Khalid El Barkaoui, le groupe originaire du Souss, fondé en 2006, était d’abord uniquement instrumental. Depuis un an et demi, il a intégré la chanteuse Kenza Nezha Ameddouz, qui entonne les mélodies ancestrales en plus des propres compositions de la bande. Pour la première fois, un flûtiste et saxophoniste ont même accompagné le collectif. C’était le temps d’un concert intimiste au Festival de Fès des musiques sacrées, Inouraz participe pour la première fois.

Telquel.ma : C’est la première fois que vous jouez au Festival de Fès des musiques sacrées du monde. Qu’est-ce que cela représente pour vous? 

Mustapha Amal (ribab et loutar): Ce festival est une grande fenêtre ouverte sur le monde avec des groupes qui viennent du monde entier. Nous sommes honorés de pouvoir participer à ce festival dédié aux musiques sacrées, nous qui jouons une musique culturelle et spirituelle. Nous sommes aussi le premier groupe amazigh représenté lors de ce festival. Nous en sommes très fiers.

L’eau est le thème du festival de cette année. Utilisez-vous la symbolique liée à cet élément dans votre musique ?

Kenza Nezha Ameddouz (chanteuse): L’eau, la nature, la musique et les instruments se complètent. L’eau est la base de la vie, surtout dans les régions amazighes au Maroc où les gens souffrent, car ils n’ont pas accès à l’eau potable. Elle apparaît alors souvent dans nos chansons, où nous parlons de la mer ou des oueds qui occupent une place essentielle dans notre culture amazighe.

Mustapha Amal : Elle est importante dans notre musique. D’ailleurs, nous avons un album intitulé « Le brouillard », qui cache les choses réelles, mais qui va soudain se dissiper pour les faire apparaître.

Vous vous inspirez d’autres cultures du monde. Quelle place reste-t-il pour votre identité amazighe dans votre musique ?

Kenza Nezha Ameddouz : Notre identité amazighe est partout, dans nos bijoux, nos vêtements de scène, nos paroles, nos instruments et nos mélodies. Mais on essaie de faire une fusion de la musique amazighe avec d’autres cultures pour la moderniser et toucher les jeunes générations. On va chercher de l’inspiration dans le blues, le reggae, le jazz. C’est ce qui nous différencie des autres groupes amazighs.

Mustapha Amal: Nous sommes ouverts à toutes les musiques du monde. Nous nous inspirons des thèmes asiatiques, américains, grecs ou d’Amérique latine. Nous faisons tous de la musique pentatonique, dont les gammes se retrouvent dans les autres cultures.

La Chine est à l’honneur lors de ce festival. Sa musique vous inspire-t-elle ?

Kenza Nezha Ameddouz : J’étais en Chine pendant trois mois pour des raisons personnelles. J’ai beaucoup échangé avec des artistes chinois avec qui j’ai joué dans la rue par exemple. J’ai été inspirée par leurs sonorités et leurs voix sublimes. J’ai été surprise de voir qu’ils ont beaucoup de points communs avec notre musique. Par exemple, ils ont deux instruments semblables à notre « loutar » et notre « ribab ». Ils ont aussi des opérettes dansantes avec une très forte présence féminine, comme dans la culture amazighe.

Lire aussi : Les artistes chinois invités d’honneur au festival de Fès des musiques sacrées

La culture amazighe regagne en visibilité ces dernières années au Maroc. Quel regard portez-vous sur cette évolution?

Kenza Nezha Ameddouz : La reconnaissance de notre langue, notamment dans les écoles et dans la constitution, est déjà une grande avancée. Mais il reste encore beaucoup de choses à faire. Nous sommes tous des ambassadeurs de notre culture, les artistes, les politiques, la société civile, les citoyens. Chacun peut faire quelque chose pour défendre notre culture qui doit continuer d’exister.

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