Comment le projet de réforme de l'UA bénéficierait-il au Maroc?

La réforme de l'Union africaine (UA) sera le sujet phare du prochain sommet de l’organisation en juillet prochain. Un projet porté par Paul Kagame, et soutenu par le Maroc. 

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Crédit: AFP

Une quarantaine de ministres des Affaires étrangères africains se sont réunis sous la conduite du président rwandais, Paul Kagame, le 8 mai à Kigali. Le but de cette rencontre ? La mise en œuvre de la réforme de l’Union africaine entamée par le chef d’État rwandais en juillet 2016, lors du 27e sommet de l’organisation panafricaine. Les objectifs de cette réforme menée par Kagame en collaboration avec l’actuel président de l’UA, Alpha Condé, sont multiples: fluidifier le fonctionnement de l’instance freinée par des lourdeurs bureaucratiques et aller vers l’autosuffisance financière, alors que l’organisation panafricaine est financée à plus de 70% par des bailleurs internationaux, dont la Chine, l’Union européenne, la Turquie ou encore les États-Unis.

Une réforme qui a traîné

La réforme est dans les cartons depuis 2007. Paul Kagamé a été chargé de proposer une réforme lors du 27e sommet de l’UA en juillet 2016. Six mois plus tard, il a présenté un rapport, intitulé « l’impératif de renforcer notre union« , où il émet un diagnostic sévère. « Nous avons une organisation dysfonctionnelle, dont la valeur pour nos États membres est limitée, qui a peu de crédibilité auprès de nos partenaires internationaux, et en laquelle nos citoyens n’ont pas confiance », avait-il résumé.

Un constat partagé par Maurice Mahounon, spécialiste béninois des relations africaines. « Cette réforme est une nécessité, car l’UA n’est pas si différente de l’OUA, son ancêtre« , estime cet expert. Il relève en outre que la « mauvaise volonté » des membres de l’Union n’a pas permis de réaliser cette réforme plus tôt. Alors que le 28e sommet de l’UA s’est surtout focalisé sur l’intégration du Maroc, le projet de réforme sera examiné en juillet 2017 à Conakry. Cette réunion en Guinée montre que les autorités de l’instance souhaitent aller vite. « Une unité de réforme a même été mise en place dans le cabinet du président de la commission de l’UA« , nous glisse Maurice Mahounon.

Participer à l’autofinancement

Paul Kagamé a proposé d’instituer une taxe de 0,2% sur toutes les importations pour financer l’organisation. Cette contribution, a expliqué Alpha Condé dans un entretien au journal français Le Monde, assurera un financement excédentaire de l’UA sachant que cet excédent sera déposé à la Banque africaine de développement.

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Une mesure « précipitée » fortement critiquée par certains pays, comme la Tunisie, l’Égypte et Maurice, mais qui peut constituer « une aubaine pour le Maroc qui va pouvoir davantage s’imposer économiquement au sein de l’UA« , considère Maurice Mahounon. « Le Maroc, qui a les moyens, va pouvoir être le bon élève face à beaucoup de pays comme la Somalie qui ne pourront pas payer ces 0,2% des importations« , estime-t-il.

Une autre mesure phare pourrait servir au Maroc selon Maurice Mahounon: la transformation du « Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique » (NEPAD), en agence de développement. « Le Maroc va pouvoir participer au financement de grands projets comme l’élaboration d’infrastructures routières », explique-t-il.

Mais selon Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales (IMRI), le royaume va pouvoir surtout apporter son expertise dans le montage de projets. « Le Maroc est l’un des plus grands bénéficiaires de la Banque africaine de développement (BAD) parce qu’il arrive à mettre sur pieds des projets viables. Il va pouvoir aider les autres pays et gagner en influence » dans le cadre de cette nouvelle agence de développement, analyse le chercheur marocain.

Le projet de réforme porté par Paul Kagamé prévoit aussi de donner plus de poids au président de la commission de l’UA, qui est aujourd’hui le Tchadien Moussa Faki Mahamat. Une autre mesure qui devrait satisfaire le Maroc, alors que Nasser Bourita a déclaré avec Moussa Faki Mahamat la nécessité d’oeuvrer pour que « le travail de la Commission ne soit pas instrumentalisé pour servir des agendas qui pollueraient l’action de l’Union et bien sûr de tout le processus de réforme de l’organisation panafricaine« .

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Au lieu d’être choisis par le Conseil exécutif de l’UA, les commissaires pourraient désormais être nommés par le président de la commission. D’autre part, le projet prévoit une répartition des tâches entre la commission et les communautés économiques régionales (CER), comme la Cédéao, qui sont subordonnées à l’UA. Ces instances régionales seraient incitées à agir davantage en premier lieu, avant une réaction de l’UA. « Cette réforme pourrait affaiblir le Maroc qui fait partie de l’UMA qui ne fonctionne pas. D’où son intérêt d’intégrer la Cédéao« , conclut Maurice Mahounon.

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