Le conseil de la ville de Tanger est confronté à un drôle de dilemme. Il aimerait célébrer certains personnages historiques de la cité du Détroit, notamment Ibn Batouta et Hercule, en leur érigeant des statues. Une opération ordinaire, mais qui semble être un véritable casse-tête pour le maire PJD Bachir Abdelaoui. Ce dernier a décidé de demander l’avis des autorités religieuses avant d’ériger les statues pour éviter selon ses dires toute éventuelle polémique. Les statues étant prohibées selon certains courants de l’Islam. Les oulémas de la ville ont donc été consultés dans ce sens, et la demande est désormais étudiée par le Conseil supérieur de Rabat dont les élus tangérois espèrent une fatwa.
« L’idée est de célébrer les grandes personnalités historiques de la ville comme Ibn Batouta, Hercule, Tarek Ibn Ziyad, et d’autres, à travers tous les types d’expression artistique« , nous explique Ahmed Ettalhi, membre PJD du conseil de la ville. Ces projets, que le Conseil de la ville entend inscrire au registre des futurs « aménagements urbains » de la cité du Détroit, égaieront les places, et autres ronds-points de la ville. Le choix des personnages n’est d’ailleurs pas anodin. « Ibn Batouta c’est Tanger, et Tanger c’est Ibn Batouta », résume Ahmed Ettalhi. « C’est le personnage le plus connu de Tanger. Dans tous les coins de la ville, vous avez des lieux qui portent son nom: des restaurants, des rues, des écoles et même l’aéroport international de Tanger », explique-t-il. D’ailleurs, le Grand stade de Tanger, enceinte de 45.000 places inaugurée en 2011, porte lui aussi le nom du célèbre explorateur. Même si Hercule est davantage un personnage lié à la mythologie grecque, son identité est aussi associée à la ville, à travers notamment les célèbres Grottes d’Hercule.
Ibn Batouta, ce Chinois…
Si la question est aussi sensible, c’est aussi parce que la ville de Tanger a déjà vécu un précédent. « Lorsque Tanger avait le statut de zone internationale, il y avait une sculpture d’Ali Bey. Après l’indépendance, les autorités n’ont pas voulu que cette statue reste », explique encore Ahmed Ettalhi. S’il reconnait que pour certaines instances religieuses – qu’il ne cite pas -, « c’est un péché de représenter des êtres humains sous forme de statues », l’élu PJD admet aussi qu’avec « la modernisation, les choses ont changé, et les idées aussi. Cela devrait permettre de s’ouvrir sur les différents types d’expression artistique ».
Pour les dirigeants islamistes de la ville du Détroit, c’est aussi une question d’enjeux économiques. « Tanger va recevoir des investissements très importants de la Chine. Or en Chine, il y a trois personnages très connus: Confucius, Mao, et… Ibn Batouta. Il y a même des Chinois qui pensent qu’Ibn Batouta est chinois ». Une statue à son effigie devrait donc rapprocher davantage le Maroc et la Chine sur le plan culturel. Reste désormais à savoir si le Conseil des oulémas se montrera sensible à tous ces arguments, alors que la requête de la mairie de Tanger a été soumise depuis « plusieurs mois déjà », nous assure-t-on…
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