Le grand stade sera construit à sept kilomètres de la ville d’Oujda. D’une capacité de plus de 45.000 places, le projet a pour ambition d’accueillir des matches internationaux, et pourrait même être retenu parmi les sites figurant dans le dossier de candidature du Maroc pour le Mondial en 2026. Pour sa réalisation, le cabinet d’architectes local des frères Benhammou a été désigné par la région de l’Oriental, après un appel d’offres public national lancé en mai 2016 .
C’est cette décision que contestent d’autres architectes qui étaient en lice. « Le lauréat était déjà choisi d’avance et le jury est incompétent« , dénonce Mourad Benmansour, architecte du groupement de cabinets français et marocain Nook et Beta. « J’ai adressé un courrier la semaine dernière à Sa Majesté« , prévient-il.
Un jury critiqué
« Nous avons constaté que les membres du jury sont des fonctionnaires de la région sans aucune capacité de jugement technique pour un projet de cette envergure« , poursuit notre interlocuteur. Une critique partagée par un autre candidat qui a préféré garder l’anonymat. « Les architectes administratifs font de la correction de projets de lotissements qui se ressemblent. Ils ne peuvent pas appréhender un projet de stade homologué FIFA« , estime-t-il. « De plus, il n’y a aucun expert des normes FIFA, pas d’agent pompier pour les aspects sécurité et incendie, personne qui maitrise le fonctionnement des stades en termes de gestion des flux des véhicules, et aucun expert en environnement« , relève Mourad Benmansour. Cependant, la présence de ces experts, ingénieurs ou bureaux de contrôle n’est pas obligatoire et ne figure nulle part dans le règlement.
« Le jury a demandé conseil à une commission technique composée d’experts et d’ingénieurs« , répond de son côté Mohammed Berhili, l’un des membres du jury, qui est également architecte fonctionnaire représentant l’Agence urbaine d’Oujda. D’après un autre membre du jury, onze personnes déléguées par le ministère de l’Équipement et ayant jugé le dernier stade de Tétouan ont examiné cinq projets seulement sur les dix-sept qui ont été soumis. « La région de l’Oriental ne leur a pas permis de revoir tous les projets, mais seulement une présélection« , s’agace Mourad Benmansour.
Au total, 17 groupements de cabinets ont soumis leurs projets au jury en juillet 2016. Le stade à construire est doté d’un budget de 500 millions de dirhams, revu à 800 millions de dirhams selon des documents fournis à Telquel.ma par Mourad Benmansour. Selon le cahier des charges, la future enceinte a vocation à respecter les normes FIFA.
Un cabinet d’architecture qui n’a pas les épaules ?
En février 2017, le groupement de cabinets de Mourad Benmansour reçoit un courrier précisant que leur projet n’a pas été retenu. Le cabinet des architectes Benhammou, basé à Oujda, remporte l’appel d’offres. « En tant que jury, nous étions surpris de voir quelqu’un de la région avoir le premier prix », nous confirme Mohamed Berhili, membre du jury. « Il le méritait, et dans tous les domaines qu’il s’agisse de fonctionnalité, de qualité architecturale, de créativité, ou de sécurité. C’est un projet qui se distingue par son design et par les idées qu’il intègre », se justifie-t-il, convaincu.
Les détails du projet ne sont pourtant pas encore publics. Contacté par Telquel.ma, le cabinet d’architectes Benhammou n’a pas voulu répondre à nos questions sans avoir reçu le document officiel de la région Oriental qui confirme sa nomination.
« Ce petit cabinet n’est composé que de deux architectes, ainsi que de cinq ou six dessinateurs. Il est impossible de réaliser un tel projet avec un si petit nombre« , fulmine Mourad Benmansour. Un des membres du jury nous affirme pourtant que la taille du cabinet n’a rien à voir avec la qualité de leur prestation.
« Le projet lauréat est un excellent projet, il remplit toutes les conditions, mais j’aurais aimé qu’il cite l’agence avec laquelle il a collaboré« , affirme notre architecte anonyme, suspectant le cabinet Benhammou d’avoir pris conseil auprès d’un cabinet étranger sans le nommer. « Le problème, c’est qu’ils ne seront qu’architectes signataires d’un projet, mais ils ne maîtriseront pas tous les aspects du projet, comme la conception et le financement », prévient l’architecte marocain. D’après lui, de nombreux cabinets locaux font appel aux conseils de cabinets internationaux de façon officieuse, une pratique « contraire à la déontologie » de la profession d’architecte selon Mourad Benmansour, dont le groupement de cabinets est officiellement composé d’architectes français et marocains. C’était aussi le cas du cabinet Sâd Benkirane qui a collaboré ouvertement avec Gregotti Associati International dans la construction des stades de Marrakech, d’Agadir et de Casablanca.
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