Abdoulie Janneh est un spécialiste de l’Afrique. Le directeur exécutif de la Fondation Mo Ibrahim chargé de la liaison avec les gouvernements et institutions a dirigé pendant huit ans la Commission économique pour l’Afrique à l’ONU (CEA). Une expérience qui vient s’ajouter au poste de directeur régional du PNUD que le Gambien a occupé pendant six ans.
Cet ex-responsable onusien est actuellement à Marrakech dans le cadre de la célébration du 10e anniversaire de la Fondation Mo Ibrahim. Un événement durant lequel les discussions seront axées sur l’avenir du continent africain. En plus de l’organisation de ce type d’événement, la Fondation publie également un index annuel de la gouvernance dans les pays africains et remet un prix de cinq millions de dollars à un leader africain qui s’est distingué par des actions contribuant au développement socio-économique de son pays. C’est dans la salle de conférence d’un palace marrakchi qu’Abdoulie Janneh évoque les actions de sa fondation ainsi que le retour du Maroc à l’Union africaine.
Telquel.ma: Pour quelle raison la Fondation Mo Ibrahim a-t-elle choisi le Maroc pour célébrer son dixième anniversaire ?
Abdoulie Janneh: La météo a certainement joué un rôle (rires)! Plus sérieusement, le Maroc dispose d’infrastructures appropriées qui permettent l’organisation de rencontres et de dialogues telles que celles de la fondation Mo Ibrahim. Nous sommes heureux d’être ici à un moment où le pays a rejoint l’Union africaine. Le Maroc a beaucoup de choses à montrer sur la scène africaine. Il peut contribuer à l’essor du continent.
Justement que pensez-vous du retour du Maroc à l’Union africaine ?
J’en suis très heureux. Pendant huit ans j’ai été secrétaire exécutif de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA) et j’ai collaboré avec le Maroc dans ce cadre. La CEA dispose d’un bureau régional à Rabat et le Maroca participe aux réunions interministérielles organisées par la Commission. Désormais, l’expérience marocaine peut profiter au continent entier au sein de l’Union africaine qui est l’organisation politique la plus importante de ce continent. Au vu de son importance, de son poids, de sa réputation, de ses intérêts et de ses relations bilatérales avec certains pays, il était normal que le Maroc intègre l’UA.
Je sais qu’il y avait des contraintes politiques, mais l’Afrique a été capable de les surmonter et le royaume occupe désormais sa place naturelle au sein de l’Union. À un moment où l’Afrique veut s’orienter vers le développement et renforcer les liens entre ses membres, il était essentiel que le Maroc fasse partie de ce mouvement et apporte sa contribution.
Votre fondation publie chaque année un index portant sur la gouvernance des pays africains. Quel regard portez-vous sur le scoring obtenu par le Maroc ?
Je n’ai pas d’opinion sur ces résultats. Ces données, qui sont publiques, sont les instantanés d’un pays. Les pays concernés peuvent contester ces résultats, mais aussi les utiliser. Nous prenons en compte de nombreux indicateurs et ces rapports font l’objet d’un travail méticuleux, ils ne sont pas le fruit du hasard. Ces données sont sujettes à discussion. Les responsables peuvent en discuter avec la société civile et nous sommes prêts à contribuer. Nous ne voulons pas prononcer un jugement sur un pays. Notre objectif est de fournir aux gouvernements des données complètes sur les besoins des citoyens et les droits qu’ils doivent leur assurer.
Quelle a été la réaction du gouvernement à votre rapport ?
Le gouvernement était très responsable. Il n’a pas voulu limiter la discussion à une partie du rapport, mais a engagé un dialogue sur son ensemble. Ils ont pris en compte nos remarques et les ont traitées à leur niveau.
Votre fondation remet le « Prix Ibrahim » qui récompense le leadership d’excellence en Afrique. En plus de la récompense honorifique, son détenteur se voit également remettre un chèque de cinq millions de dollars. Comment sont-ils généralement dépensés ?
Nous n’encourageons pas les lauréats du « Prix Ibrahim » à s’acheter des voitures avec l’argent de la récompense, mais nous les laissons libres d’en faire ce qu’ils veulent. En plus de ces cinq millions de dollars, la Fondation est prête à accorder aux lauréats 200.000 dollars chaque année pendant une période de dix ans afin qu’ils investissent dans des projets socio-économiques. Initialement, les lauréats du prix sont choisis pour leur contribution à la démocratie et au développement. Nous croyons qu’ils utiliseront cette somme d’une manière qui concorde avec leur passé politique. . Nous maintenons le contact avec ces leaders et certains d’entre eux sont présents.
Votre prix n’a jamais été remis à un leader nord-africain. Y a-t-il un problème de leadership dans cette zone ?
Nous remettons notre prix à des responsables investis de manière démocratique et ayant quitté le pouvoir de manière démocratique et ayant contribué au développement socio-économique. Dans certains cas, des leaders nord-africains sont arrivés en deuxième place, mais il n’y a pas de prix pour le deuxième! Et j’insiste sur le fait que le prix est remis aux responsables ayant quitté le pouvoir, il ne faut pas y voir une critique des responsables nord-africains!
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