Tapez le nom d’Abdelouafi Laftit sur Google. Les résultats qui apparaissent se résument essentiellement aux biographies officielles, et à plusieurs mentions de la fameuse affaire des « serviteurs de l’État », dans laquelle figure le nom de celui qui était alors wali de Rabat. Il y figure comme bénéficiaire d’un terrain de l’État à très bas prix. Son inimitié avec des leaders du PJD est aussi de notoriété publique, et apparaît largement en tête des résultats de la recherche. Cet ingénieur, devenu ministre de l’Intérieur à 50 ans, a cependant un parcours bien plus dense que cela.
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« Je n’ai pas suffisamment d’informations sur M. Laftit », nous lance un ministre, qui a pourtant eu forcément affaire à lui. C’est qu’Abdelouafi Laftit est d’une discrétion à toute épreuve. Peu porté sur la confrontation, comme nous le raconte un responsable politique de Tanger, ce Rifain, natif d’un petit village près de Nador (Tafrisst), a patiemment gravi les échelons du ministère de l’Intérieur jusqu’à être propulsé à sa tête. Il remplace Mohammed Hassad qu’il a longtemps côtoyé lorsqu’il était gouverneur de Fahs Anjra, alors que Hassad dirigeait la wilaya de la ville du Détroit.
Équation sans inconnue
Le jeune Laftit est issu d’une famille modeste et fait ses études à Tétouan. « C’était un petit génie. Il avait reçu une médaille aux olympiades de mathématiques du temps où Azzedine Laraki était ministre de l’Enseignement. Il s’est fait remarquer et a obtenu une bourse de Hassan II pour poursuivre ses études », se souvient cet homme politique basé à Tanger. Le jeune Abdelouafi Laftit ne déçoit ni les espoirs de sa petite famille ni ceux de la nation. Il finira par obtenir deux diplômes, de deux prestigieuses institutions: l’École polytechnique de Paris (1989) et l’École nationale des ponts et chaussées (1991). S’ensuit alors une carrière « dans le domaine financier », comme l’indique l’agence MAP. Un épisode sur lequel aucune information ne filtre, mis a part le fait qu’il ait fait un « passage éclair » au Crédit commercial de France, comme nous le dit une source proche.
Abdelouafi Laftit fera quelque temps plus tard son grand retour au Maroc pour mettre son expertise au profit du secteur public de son pays, plus précisément au sein de l’Office d’exploitation des ports (ODEP). Il occupe alors, selon sa biographie officielle, le poste de directeur des ports à Agadir, Safi et Tanger entre 1992 et 2002. Il sera installé cette même année au poste de directeur du Centre régional d’investissement de Tanger-Tétouan. Sa formation d’ingénieur, et ses qualités de bosseur discret en font un profil de gestionnaire idéal en ce début de règne du roi Mohammed VI.
Tomber la cravate
Le 17 février 2003, le souverain lance les travaux de son ambitieux projet de port en Méditerranée : Tanger Med. En charge de ce projet de règne: Meziane Belfquih. Quelques mois plus tard, le 13 septembre très exactement, Abdeloaufi Laftit est nommé gouverneur de la province de Fahs-Anjra, dont relève justement ce mégaprojet.
En octobre 2006, il part à Nador pour occuper le poste de gouverneur de la province. Là encore, on commencera à entendre parler de Nador West Med, un autre mégaprojet portuaire. Laftit revient à Tanger en mars 2010, pour occuper cette fois-ci le poste de PDG de la Société d’aménagement pour la reconversion de la zone portuaire de Tanger-ville. « C’est devenu Monsieur ports. Il était à chaque fois envoyé pour mener à bien les grands projets », nous assure une source politique basée à Tanger.
« Je l’ai pas mal croisé à ce moment-là. C’est lui qui a monté l’agence et fait les recrutements », se rappelle un journaliste, fin connaisseur de la ville du détroit. « Je me rappelle d’une gestion à la manière d’une start-up. Il ne prêtait pas grande attention à la hiérarchie, mais plutôt à la compétence. Il était très accessible pour ses collaborateurs et ne portait de cravate que pour les rendez-vous importants », se souvient-il encore.
Un gestionnaire cool, Laftit ? « Il reste un homme carré, qui a la rigueur de l’ingénieur formé à la bonne école », nuance toutefois notre source. Patiemment, il continue de gravir les échelons de l’administration publique jusqu’à la consécration quatre années plus tard, quand il sera promu Wali de la ville de Rabat. Il hérite alors d’un véritable mini-ministère, le préparant justement à reprendre le flambeau de son prédécesseur qu’il connaît très bien, Mohamed Hassad. Les plus attentifs auront remarqué autre chose aussi: alors qu’Al Hoceima est sur les charbons ardents, c’est un Rifain qui est nommé à la tête du ministère qui est en première ligne. Un premier dossier chaud pour ce gestionnaire au sang froid.
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