Affaire Paradise Beach: les victimes adressent une lettre à Mohammed VI

Nouveau rebondissement dans l'affaire du Paradise Beach and Golf Resort. Les investisseurs réclament justice directement auprès du roi.

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Des investisseurs dans le projet Paradise Beach and Golf Resort manifestent devant l'ambassade marocaine à Londres. DR

Ils étaient 200 investisseurs à manifester le 27 mars devant l’ambassade du Maroc à Londres, selon Claire Panay, l’une des 800 personnes qui se disent flouées dans le projet immobilier et touristique Paradise Beach and Golf Resort au sud de Tanger. Lors de la sixième manifestation organisée en un peu plus d’un an, ils demandent à être indemnisés des 35 millions de livres sterling qu’ils ont investis dans ce projet porté par l’agence immobilière Prestige Properties, dont les travaux sont à l’arrêt depuis 2009.

"Sa Majesté Mohammed VI, s'il vous plaît supportez nous et sauvez nos investissements!"
« Sa Majesté Mohammed VI, s’il vous plaît soutenez-nous et sauvez nos investissements! »

« Ça fait dix ans que nous attendons. On ne voit pas l’issue de ce scandale immobilier« , se plaint Claire Panay. « Nous avons exploré toutes les voies diplomatiques, mais cela n’a rien donné« , déplore-t-elle. Une lettre ouverte adressée à Mohammed VI a été confiée à Abdeslam Aboudrar, ambassadeur marocain à Londres, dans l’espoir de faire bouger les lignes. Le document accompagne une pétition de 19 pages listant des centaines de noms de victimes.

« Les parlementaires anglais commencent à s’intéresser à la question. Une cinquantaine se sont mis en contact avec l’ambassade et nous ont soutenus le jour de la manifestation« , confie encore Claire Panay. Parmi eux, Tom Brake, député libéral-démocrate. Son cabinet nous confirme qu’il a rendez-vous la semaine prochaine avec Habib El Malki pour évoquer l’affaire Paradise Beach et lui remettre la lettre adressée au roi.

Côté marocain

Au Maroc, Larbi Tadlaoui a été condamné par le tribunal de première instance de Tanger à 20 mois de prison le 22 septembre 2016. L’ex-gérant de la société Atlantic Beach Paradise Resort (ABPR), opposé au ministère public, a été inculpé pour escroquerie et inexécution d’un contrat. Le dossier est désormais en appel. Les audiences n’ont pas encore commencé. « Larbi Tadlaoui encourt cinq ans de prison. On a peur qu’il soit condamné plus lourdement« , s’inquiète l’avocate française Elsa Arfi, membre de l’équipe de défense.

Lire aussi : L’affaire Atlantic Beach Paradise Resort revient sur les devants de la scène

Les parties civiles, elles, espèrent beaucoup de ce procès en appel. « Vingt mois contre dix ans d’attente, ce n’est rien« , déclare Claire Panay. Faisant partie du collectif d’investisseurs, elle demande aussi que les 800 investisseurs du projet soient indemnisés, alors que seulement 80 disposent d’une représentation légale au tribunal.

Plusieurs ont investi en moyenne 25.000 livres (près  de 314.000 dirhams) dans un ou deux appartements et n’ont donc reçu aucune compensation. « De plus, la sentence nous semble trop faible par rapport aux désagréments et aux sommes des acomptes« , s’indigne encore Claire Panay. De son côté, la défense explique qu’il y a un problème de solvabilité: « Larbi Tadlaoui ne pourra pas indemniser personnellement tous les acquéreurs« , nous confie Elsa Arfi.

Origines du scandale

Le 10 mai 2007, la société Atlantic Beach Paradise Resort (APBR), dirigée par Larbi Tadlaoui, signe une convention d’investissement avec l’État pour la réalisation d’un complexe touristique et immobilier au niveau de la zone de Boukhalef Haoura. L’opération portait sur un budget d’investissement de 915 millions de dirhams et le promoteur disposait d’un délai de 36 mois pour l’exécuter. Mais le projet rencontre des difficultés. Les travaux commencés en 2007 s’arrêtent alors deux ans plus tard et n’ont toujours pas été repris.

Les investisseurs – majoritairement britanniques – se sont tus pendant sept ans, croyant que les travaux allaient reprendre ou qu’ils allaient être indemnisés. Mais en 2016, ils entament leurs manifestations et adressent une lettre à Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur, réclamant l’ouverture d’une enquête judiciaire à Mustapha Ramid, son collègue de la Justice. Dans un document daté du 10 février 2016, dont Telquel.ma détient une copie, ils accusent ABPR d’avoir manqué à son obligation de réaliser son projet immobilier. Larbi Tadlaoui est arrêté et incarcéré.

Sortis de terre, les immeubles sont abandonnés depuis 2009. DR
Sortis de terre, les immeubles sont abandonnés depuis 2009. DR

Alors que les immeubles sont sortis de terre, les constructions sont maintenant détériorées et vandalisées. « C’est un fiasco à une échelle gigantesque. On ne sait pas ce que vont devenir ces constructions« , explique Elsa Arfi qui précise que tous les fonds récupérés des investisseurs ont été investis dans ces chantiers. « Une expertise prouve qu’il n’y a pas eu de détournement de fonds ni d’enrichissement personnel« , souligne-t-elle, faisant allusion à une enquête réalisée et dont Telquel.ma détient également copie.

Les autorités montrées du doigt

« Cette affaire dépasse le cas de Tadlaoui. Il y a une incapacité de l’État à créer des infrastructures« , dénonce Elsa Arfi. « Il y a eu de grosses négligences de la région, des acteurs politiques (préfet, ministre de l’Intérieur)« . L’avocate rappelle qu’en 2009, la zone en construction n’était pas assainie, et nécessitait des travaux supplémentaires qui n’avaient pas été anticipés par les autorités.

Amendis, opérateur de gestion délégué qui a été mandaté par les autorités, a refusé de payer les frais puisque cela n’était pas prévu dans le contrat de gestion déléguée. « C’est Amendis qui n’a pas respecté son contrat, Larbi Tadlaoui ne pouvait pas exécuter ce contrat sans qu’Amendis exerce le sien « , dénonce pourtant Jamila Moualdi, l’avocate marocaine de Larbi Tadlaoui. Elle précise qu’une action en justice est en cours pour demander des indemnités et que la société se prononce responsable. De son côté, une auprès d’Amendis, proche du dossier, nous confie que Larbi Tadlaoui n’a jamais payé Amendis et rejette toute responsabilité de l’opérateur qui a « respecté le cahier des charges« .

« Ces travaux n’ont pas été terminés en raison d’un cumul d’incompétence et de défaillances des autorités publiques« , rétorquent William Bourdon et Abderrahim Jamai, avocats de Larbi Tadlaoui. « La situation ne s’explique que par la volonté d’une communauté d’intérêts visibles et occultes de faire de Larbi Tadlaoui un bouc émissaire de ces défaillances et incompétences« , déclarent-ils. La défense espère que la cour d’appel va donc « réparer cette injustice« . Affaire à suivre.

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