Les Etats-Unis ont reconnu ne plus faire du départ du président syrien une « priorité » et chercher une nouvelle stratégie dans le règlement du conflit en Syrie qui dure depuis six ans. Washington avait déjà modéré par le passé son insistance à chasser Bachar al-Assad du pouvoir, mais cette prise de distance des Etats-Unis est désormais explicite.
L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a affirmé jeudi vouloir travailler avec des pays comme la Turquie et la Russie pour trouver une solution politique de long terme en Syrie, plutôt que de se focaliser sur le sort du président syrien. « Il faut choisir ses batailles », a dit Nikki Haley à un groupe de journalistes à New York. « Quand vous regardez la situation, il faut changer nos priorités, et notre priorité n’est plus de rester assis là, à nous concentrer pour faire partir Assad », a-t-elle ajouté.
Plus tôt dans la journée, le secrétaire d’Etat Rex Tillerson avait déjà signalé cette inflexion de la diplomatie américaine. « Le sort du président Assad, à long terme, sera décidé par le peuple syrien », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Ankara avec son homologue turc Mevlüt Cavusoglu. L’opposition syrienne, dont la coopération sera nécessaire à toute solution politique, a vigoureusement dénoncé cette prise de position. « L’opposition n’acceptera jamais que Bachar al-Assad ait un rôle à aucun moment », a déclaré Monzer Makhos, un des porte-parole du Haut comité des négociations (HCN) qui rassemble des groupes clés de l’opposition syrienne. « Notre position ne va pas changer », a-t-il prévenu depuis Genève où se déroule depuis une semaine une cinquième série de négociations inter-syriennes sous l’égide de l’ONU.
Une autre porte-parole du HCN, Farah Atassi, a de son côté indiqué que l’opposition syrienne souhaitait que les Etats-Unis jouent un « plus grand rôle, et plus décisif » dans le dossier syrien. L’administration de Barack Obama avait fait du départ de Bachar al-Assad un objectif clé de sa politique en Syrie. Le nouveau président Donald Trump a préféré mettre l’accent sur la lutte contre le groupe Etat islamique (EI). La référence de Rex Tillerson au « choix du peuple syrien » est une expression utilisée de longue date par Moscou, dont l’administration Trump cherche à se rapprocher pour tenter d’obtenir le soutien de la Russie dans un règlement politique en Syrie.
« Notre priorité est vraiment de regarder comment on peut obtenir des résultats. Avec qui devons-nous travailler pour réellement faire une différence pour les gens en Syrie? », a indiqué Nikki Haley depuis le siège de la mission américaine auprès de l’ONU. La diplomate a également affirmé ne pas vouloir se focaliser sur le sort de Bachar al-Assad « de la même façon que l’administration précédente ». Même si l’administration américaine veut minimiser cette inflexion, les experts voient dans ce changement de ton un virage important. « Je crois que cette déclaration est importante, au moins parce que c’est la première quasi-officielle sur cette question, et à ce niveau de l’administration », a estimé Joseph Bahout, analyste à la fondation Carnegie. Selon lui « les Russes doivent être assez contents » car la position exprimée par M. Tillerson rejoint la ligne défendue par Moscou, l’un des principaux alliés d’Assad.
« L’usage de l’expression -à long terme- suggère que (le départ d’Assad) n’est plus sur l’agenda immédiat », a-t-il ajouté dans un entretien à l’AFP. M. Tillerson doit se rendre à Moscou le mois prochain pour une rencontre avec des dirigeants russes. Sa visite en Turquie était largement axée sur la Syrie, au lendemain de l’annonce par Ankara de la fin de son opération militaire lancée en août dans le nord de ce pays afin d’en chasser les jihadistes de l’EI et les milices kurdes syriennes.
La Turquie dénonce régulièrement le soutien apporté par Washington en Syrie aux milices kurdes des YPG dans la lutte contre l’EI. Ankara, qui appuie de son côté d’autres groupes armés sous la bannière de « l’Armée syrienne libre », considère les YPG comme un groupe terroriste émanant du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
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