Pour la deuxième fois en trois éditions, le secrétaire général adjoint de l’ONU, Philippe Douste-Blazy est venu assister au Forum Crans Montana de Dakhla. Une présence qui dérange ceux qui dénoncent la participation d’un responsable onusien à ce forum qui se tient dans les provinces du Sud. Des mécontentements auxquels l’ONU a dû répondre, en 2015, dans un communiqué où l’organisation affirme que le responsable onusien est présent à titre « privé». Lorsqu’on l’interroge sur la question du Sahara, l’ancien chef de la diplomatie française, oppose une fin de non-recevoir mais accepte néanmoins de répondre aux questions relatives à ses spécialités : le développement et la santé.
Telquel.ma: C’est la deuxième fois que vous venez au Forum Crans Montana en trois éditions. A ce rythme-là, nous pouvons dire que vous êtes un habitué…
Philippe Douste-Blazy: Je viens au Forum de Crans Montana, à Davos ou encore à l’Assemblée générale des Nations Unies lorsque l’on parle de sujets qui me concernent. Aujourd’hui les biens publics mondiaux comme la santé (ce secteur a fait l’objet de discussions lors du forum, ndlr) me passionnent. Comment peut-on laisser quatre milliards d’être humains en dehors des progrès médicaux les plus récents ? Je suis également venu au forum car le roi Mohammed VI a eu la vision de parler de la solidarité africaine et j’ai trouvé intéressant d’y venir pour donner mon avis.
En 2008, vous avez été nommé à la tête de UNITAID, une organisation onusienne qui se concentre sur la concrétisation des Objectifs du millénaire pour le développement liés à la santé. En 2012, le Maroc n’avait accompli aucun de ses objectifs dans ce domaine…
La question de la santé est absolument critique. Lorsque l’on parle des objectifs du millénaire pour le développement , il est très important d’insister sur deux objectifs: la santé et l’éducation. Il ne peut pas y avoir de développent durable, ni de développement humain s’il n’y a pas des efforts majeurs dans ces domaines . Je constate d’ailleurs avec plaisir que le gouvernement marocain a augmenté la part du budget consacré à la santé.
Lire aussi: Le Maroc a-t-il réalisé les Objectifs du millénaire en 2012?
Lors de l’ouverture du forum, vous avez déploré les taux de croissance des pays africains qui sont pourtant riches en ressources. De quelle manière les pays du continent peuvent-ils accélérer leur croissance?
La seule manière pour que les pays africains puissent multiplier par deux, voire par trois, leur croissance économique est d’augmenter les budgets consacrés à la santé et l’éducation. Il faut également augmenter le budget consacré aux infrastructures pour l’eau potable et à la lutte contre la malnutrition chronique. Ce sont les bases même du développement économique. Le destin de ces pays est dans leur main.
Vous affirmez que l’Afrique pourrait contribuer à la croissance des pays européens. De quelle manière ?
Je crois que la croissance et la jeunesse du monde sont en Afrique. Trois prix Nobel d’économie ont noté qu’un pays africain pouvait multiplier par deux, voire par trois, sa croissance s’il parvenait à réduire de 25% le nombre de personnes souffrant de malnutrition. Si cette accélération de la croissance a lieu, une classe moyenne peut être créée 20 ans plus tard. Grâce à leurs salaires, ces personnes achèteront des vélos, des motos ou des voitures qui, aujourd’hui, sont plutôt produites en Europe et contribueront donc à la croissance européenne.
L’Afrique est en train de vivre un moment historique et très intéressant sur deux plans. Dans le domaine de la numérisation, l’Europe est passée par le téléphone fixe tandis que l’Afrique accède directement au mobile. 700 millions de personnes sont connectées sur téléphone mobile et n’ont donc plus besoin de téléphone fixe. Dans le domaine des énergies, l’Afrique a une ressource quasi illimitée d’énergies non carbonées comme l’éolien ou le solaire. L’Afrique peut devenir le seul continent 100% vert et 100% digital. Mais cela peut se faire à une condition, la sortie de l’extrême pauvreté.
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