Emploi, relogement, sécurité sociale... Quand des Casablancais autogèrent leurs quartiers

Des habitants des quartiers populaires de Casablanca s'auto-organisent. Ils ont déjà créé 51 emplois fixes, mais veulent aller encore plus loin.

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Nombreux citoyens se sont insurgés lors de l'atelier sur le relogement.

Les portes des anciens abattoirs aux murs ocres de Casablanca sont grandes ouvertes. À l’intérieur, une foule de tout âge s’agite entre les stands des entreprises sociales et solidaires vendant pâtisseries et caftans faits maison. Un cercle de curieux s’amasse autour de deux clowns qui se livrent à un spectacle de rue entre une session plénière et des ateliers de discussion sur une série de thèmes. Autour de 300 personnes de la société civile ont fait le trajet depuis Mohammedia et Lissasfa pour assister au troisième Forum social des quartiers, organisé à Casablanca du 10 au 12 mars.

Tous sont là pour une chose: échanger et améliorer les conditions de leurs quartiers. Relogement, santé, emploi, égalité des sexes, marchands ambulants, déchetterie… Le programme est vaste. « Pour moi, c’est déjà une victoire que ces gens se retrouvent ici et partagent leurs expériences. Il y a 15 ans, ces associations locales n’avaient aucun contact entre elles et ne se connaissaient pas« , se réjouit Abdellah Zaâzaâ, activiste associatif qui est à l’initiative du réseau d’associations Action Jeunes Casablanca.

Des actions concrètes

La dernière édition du forum, en 2013, a permis la création de onze entreprises sociales et solidaires actives dans les domaines de la pâtisserie à la coiffure, en passant par la confection de caftan. « Au total, nous avons créé 51 emplois fixes », se réjouit Hassan Dafir, membre du secrétariat du forum.

« Cela participe à avoir une base sociale conscientisée et permettre aux femmes de travailler », relève Dafir. C’est cette vision qui a poussé l’ambassade de Belgique à soutenir le projet, explique Claudine Aelvoet, cheffe de la coopération de l’ambassade belge au Maroc. La représentation diplomatique finance l’initiative à hauteur de 280.000 dirhams par an. « Ce forum met l’accent sur les plus vulnérables et donc sur les femmes, par le biais de l’entrepreneuriat« , observe encore Claudine Aelvoet.

Le forum a aussi permis de réaliser des avancées concrètes sur le système de santé. Alors que le Ramed ne couvre pas suffisamment les plus démunis selon Hassan Dafir, des femmes ont créé au niveau local des caisses de solidarité qui ont déjà permis de payer une opération de 30.000 dirhams à l’une d’entre elles. Quatre ans plus tard, le but est de généraliser ce système au niveau des quartiers.

Le problème de relogement est l’autre gros morceau du forum 2017. Lors d’un atelier, la jeune Imane s’époumone et s’insurge contre les autorités qui n’ont accordé aucun statut juridique à son terrain. Elle se rend d’ailleurs compte qu’elle n’est pas la seule. « Beaucoup vivent dans des immeubles en mauvaise condition et ne peuvent rien faire, car ils n’ont aucun statut juridique« , observe Mehdi Jemma, membre fondateur du réseau marocain pour le logement décent. « Suite à la politique de relogement de Hassan II, beaucoup de familles ont été déplacées sans qu’on prenne en considération leurs besoins familiaux et sociaux« , explique-t-il aussi en mentionnant les problèmes d’appartements de relogement trop petits ou trop éloignés du lieu d’activité économique de la famille. Des problèmes qu’il veut compiler afin de soumettre des propositions concrètes aux autorités publiques.

 Démocratie participative

Le troisième Forum social des quartiers est basé sur le principe du forum altermondialiste de Porto Alegre au Brésil qui évalue les politiques publiques afin qu’elles collent mieux aux attentes des habitants. « La ville de Casablanca est en chantier pour passer d’une ville industrielle à une ville de commerce et de finance, mais sans consulter les gens qui y vivent« , s’indigne Hassan Dafir qui explique que le forum est donc l’occasion de formuler des propositions après des discussions avec les personnes qui sont sur le terrain. « À moyen terme, nous souhaitons avoir une plateforme commune pour rendre des comptes entre nous et suivre nos plans d’action collectifs. Le but est donc d’avoir un forum tous les deux ans pour dresser l’état des lieux« , conclut-il.

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