La communauté scientifique et les passionnés d’astronomie avaient le regard tourné vers la Nasa ce mercredi 22 février. L’agence spatiale américaine avait promis d’annoncer une « découverte majeure » dans le domaine de l’observation astronomique. Dans tout le landerneau scientifique, c’est l’ébullition: on espère une annonce autour des exoplanètes, ces planètes en orbite autour d’une autre étoile que le Soleil. Les espoirs ne sont pas déçus. L’annonce surpasse les attentes. Et pour cause, les scientifiques ont découvert… un système de sept planètes habitables, aux caractéristiques semblables à la Terre! Mieux, cette découverte mondiale a été permise grâce au concours de chercheurs marocains. Il s’agit de l’équipe de l’observatoire de l’Oukaimeden, qui relèvent de l’université Cadi Ahyyad de Marrakech. En exclusivité, Zouhair Benkhaldoun, directeur de l’observatoire marocain et co-auteur de l’article de Nature qui révèle cette découverte, nous livre les détails de cette avancée majeure dans le domaine de l’astrophysique.
Pourquoi lit-on et dit-on partout qu’il s’agit d’une « découverte majeure »?
Tout simplement, parce que nous n’avons jamais à ce jour découvert un système de sept planètes, présentant les mêmes caractéristiques que la Terre.
Comment la communauté scientifique en est-elle arrivée à la découverte de ces sept planètes habitables ?
L’idée géniale a été d’abandonner l’idée de rechercher un système de planète similaire à celui du système solaire. Il n’en sortait rien de concret, surtout que les systèmes avec des planètes comme la Terre sont rares. Nous avons alors commencé à explorer des étoiles plus froides que le Soleil. Ce qu’on appelle les « naines brunes ». En juillet 2016, nous avons découvert une étoile avec un système de trois planètes autour, dont deux présentaient des conditions propices au développement de la vie. Elles ressemblent en taille, en masse et en température à la Terre.
Pouvez-vous nous détailler la genèse de cette découverte ?
Cette découverte est le fruit des recherches sur les exoplanètes. Ces travaux se sont développés depuis la découverte de la première exoplanète le 6 octobre 1995. Avant, les scientifiques pensaient qu’il n’y avait pas de vie en dehors du système solaire. Depuis cette date, les méthodes de recherche et de détection de ces planètes se sont développées. On a commencé à en découvrir grâce à des satellites comme Kepler et Spitzer, mais aussi grâce à des observatoires terrestres.
La découverte est le fruit d’une coopération mondiale. Quel a été l’apport de l’équipe marocaine ?
La découverte est imputable surtout à l’équipe de Liège qui a découvert l’étoile TRAPPIST. Notre équipe est partenaire depuis 4 ans et nous travaillons ensemble. Nous avons des étudiants en cotutelle. Un de nos étudiants, Khalid Berkaoui en deuxième année de thèse, et moi-même, sommes co-auteurs de l’étude sur ces planètes qui va paraître dans la revue Nature. C’est lui qui dépouillait les résultats des observations. Quant à la Nasa, Spitzer leur appartient et c’est eux qui font l’annonce de l’étude publiée dans Nature.
Nous avons été contactés il y a 3 ou 4 ans par une équipe belge qui nous a proposé de financer un télescope. Nous avons accepté ce partenariat scientifique et installé ce télescope baptisé TRAPPIST-Nord l’année dernière à l’Oukaimeden. L’équipe belge a installé le même appareil au Chili, il y a 7 ans. Il avait été baptisé TRAPPIST-Sud. Dès que TRAPPIST Nord a été installé en mai 2016, nous avons accéléré le projet. Avec TRAPPIST-Sud et l’ESO (European Southern Observatory), le plus grand programme d’observation, les recherches ont commencé. Nous avons alors contacté la Nasa pour lui demander de braquer son satellite Spitzer sur ce système. Grâce aux données de ce satellite et aux dizaines d’observatoires mis à contribution, nous avons pu déterminer l’existence non pas de trois, mais de sept planètes. Six d’entre elles ressemblent à la Terre et pourraient abriter des océans et des formes de vie. Je précise toutefois qu’il ne s’agit pas de l’observation d’une forme de vie, et que c’est une déduction de l’étude morphologique de ces exoplanètes.
En d’autres termes, on n’a pas encore trouvé les fameux petits hommes verts?
Non, on n’a pas découvert d’extraterrestre (rires). Cela dit, ce n’est pas interdit. Vous savez, il y a des recherches très sérieuses là-dessus, menées par le programme américain Seti [Search for extra-terrestrial intelligence –recherche d’une intelligence extraterrestre, NDLR]. Mais disons qu’à ce stade, on en est loin.
Qu’en est-il de la possibilité d’installer des colonies sur ces planètes ?
Ce n’est pas possible. Cette découverte a été faite à 40 années-lumière de la terre. Il est hors de question d’envoyer une sonde à cette distance. Cela étant, il est possible de sonder à distance. Cela veut dire aussi que les scientifiques vont maintenant se mettre à chercher des systèmes analogues, mais plus proches. Il y aura probablement des découvertes similaires à celle-là dans l’avenir.
Est-ce que ce système composé de l’étoile naine et des sept planètes a un nom ?
L’étoile n’était pas cataloguée, le programme lui a donné le nom de TRAPPIST. Pour ce qui est des planètes, il y a une nomenclature imposée. En fonction de la proximité avec l’étoile de ce système, chaque planète porte le nom de TRAPPIST plus une lettre de l’alphabet: TRAPPIST-B, TRAPPIST-C, ainsi de suite jusqu’à H.
L’observatoire de l’Oukaimeden est classé parmi les dix meilleurs au monde dans la découverte de « petits corps du système solaire ». Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce centre et ce que vous avez découvert jusque-là?
L’équipe de l’Oukaimeden a été formée depuis une trentaine d’années. L’idée a germé juste après que des collègues et moi-même sommes rentrés de France. Nous avons fondé un laboratoire d’astrophysique à Rabat au Centre national de recherche scientifique et technique. Nous avons bataillé pour développer cette discipline et construire un observatoire, surtout que le Maroc dispose de montagnes et de sites propices à l’observation astronomique. L’Université de Cadi Ayyad a tout de suite soutenu cette idée. Le laboratoire que nous avons créé comprend 22 chercheurs permanents. C’est aujourd’hui le laboratoire de LPHEA (laboratoire de physique de haute énergie et d’astrophysique) le mieux classé à l’Université Cadi Ayyad. L’Observatoire a été inauguré en 2007 et depuis, nous avons publié plusieurs articles qui prouvent l’excellence du site. Il comprend désormais cinq coupoles, dont quatre avec des partenaires étrangers. Le centre est à l’origine de la découverte de quatre nouvelles comètes et de cinq astéroïdes géocroiseurs (pouvant heurter la terre, NDLR).
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