(De nos envoyés spéciaux à Addis-Abeba)
Au 19e et dernier étage du siège de l’Union africaine (UA) qui offre une vue imprenable sur la capitale éthiopienne Addis-Abeba, Jacob Enoh Eben, porte-parole de la présidente de la Commission de l’UA Nkosazana Dlamini-Zuma, apporte des précisions sur la procédure qui se déroulera au Sommet des 30 et 31 janvier vers un possible retour du Maroc à l’UA. La présidente de la Commission a rencontré le ministre marocain des Affaires étrangères le 26 janvier à l’UA.
Selon un communiqué de la Commission, « la présidente a informé le ministre que la requête du Maroc a été inscrite à l’ordre du jour du Sommet des chefs d’États et de gouvernement, après réception du nombre de réponses requis de la part des États membres de l’Union africaine« . Une rencontre très formelle à en croire le document, mais qui s’explique par le fait que la présidence de la Commission est le secrétariat de l’UA dont l’organe suprême est la Conférence des chefs d’État. Au cours de notre entretien, Jacob Enoh Eben répètera d’ailleurs à deux reprises le slogan : « la Commission c’est la procédure, la politique c’est les États membres« . Pourtant, le Maroc a parfois eu le sentiment que la Commission lui mettait des bâtons dans les roues pour son retour. Le 30 novembre, un communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain accusait Dlamini-Zuma de “tenter de contrarier la décision du Maroc de regagner sa place naturelle et légitime au sein de sa famille institutionnelle panafricaine.”
Si son porte-parole l’en défend, ses réponses montrent aussi à quel point le rôle de la Commission peut-être déterminant à certains moments de la procédure pour l’accélérer, ou bien au contraire la faire traîner. Le Sommet des 30 et 31 janvier sera en ce sens aussi déterminant, car il devra élire l’un des cinq candidats à la succession de Dlamini-Zuma.
Telquel.ma : L’adhésion du Maroc à l’UA est à l’ordre du jour de la réunion des chefs des États membres de l’UA qui se tiendra à huis clos le 30 janvier. Quelles vont être les différentes étapes à partir de ce moment-là ?
Jacob Jacob Enoh Eben : Une fois que le quota de 28 États membres a répondu favorablement à la demande d’intégration du Maroc, la présidente a pu l’inscrire à l’agenda du sommet. Certains États membres ont répondu « Oui, à l’entrée du Maroc, sans réserve ». D’autres ont répondu « Oui, à l’entrée du Maroc, mais avec des observations ». Ces observations vont faire l’objet du débat entre les États membres. Après cela, ils passeront au vote. Normalement, les décisions de la Conférence se prennent par consensus. Là, où il ne peut pas y avoir de consensus, ils passent au vote à la majorité qualifiée des 2/3. Le Maroc n’est pas invité au Sommet, donc il ne peut pas y assister. Il ne pourra assister au Sommet qu’après une communication officielle de la présidente de la Commission qui va suivre une décision des États membres. Si la décision est positive pour le Maroc, la présidente de la Commission va écrire une lettre officielle au roi du Maroc pour l’informer que son pays a été admis dans la famille institutionnelle et lui demandant de prendre les dispositions pour la ratification, en prenant compte des différents articles de l’Acte constitutif. Juste après ça, le Maroc va déposer les instruments de ratification. Et, en fonction de la rapidité de la procédure, il recevra une invitation pour assister au Sommet ou au prochain Sommet.
Le Maroc s’est plaint, justement, du retard pris par le processus, notamment lors du transfert aux États membres de sa demande d’intégration. Des soupçons d’impartialités pesaient même sur la présidente.
Il y a eu pas mal de rumeurs, de désinformation. La demande d’adhésion du Maroc a été reçue le 22 septembre au siège de l’UA. Au même moment, un envoyé spécial du Maroc a indiqué à la présidente qui se trouvait au siège de l’ONU à New York que la demande avait été déposée. Le jour même, la présidente a accusé publiquement réception de la demande. Dès son retour de l’Assemblée générale des Nations unies, elle a accusé réception officiellement auprès des autorités marocaines, puis elle a pris le temps d’étudier juridiquement le dossier et ensuite informé les États membres. Dans l’acte constitutif il n’y a pas de delai.
Il est quand même précisé « dès réception d’une telle notification« …
Oui dès qu’elle est rentrée elle a accusé reception, puis Le processus s’est déclenché. Certains membres ont envoyé leur réponse, ainsi qu’une copie au Maroc. Il est arrivé que la copie pour le Maroc arrive avant l’original à la Commission, des choses comme ça… La dernière correspondance que la présidente a reçu du Maroc, c’était le 19 janvier. La présidente a été professionnelle pendant toute la démarche. Elle gère la procédure, mais la décision et la politique c’est les États membres.
Selon vous, qu’est-ce que peut apporter le retour du Maroc à l’organisation panafricaine?
C’est une question à poser aux Etats membres. Mais quand on voit la carte de l’Afrique, on voit bien la place du Maroc. Son adhésion sera une occasion pour que la famille africaine se rassemble. Mais ce sera aussi l’opportunité de regarder certaines problématiques telles que la RASD. De se regarder face à face et de résoudre les problèmes. C’est une opportunité pour faire avancer l’Afrique.
Est-ce que les États membres vont parvenir à un consensus ?
Il y a surement une majorité qui sera favorable à l’intégration du Maroc. Une minorité va demander à ce que le problème de la RASD soit résolu et ils vont vraiment insister là-dessus. Ça va demander la sagesse de la Conférence pour gérer cette problématique. Ils peuvent aussi dire qu’ils vont constituer un Comité de personnes qui vont accompagner des mesures sur cette problématique. Je ne peux pas entrer dans les détails, c’est entre les mains des chefs d’État, en fonction de leurs intérêts et leurs liens avec les autres. Nous sommes simplement les professionnels qui accompagnent le processus.
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