(De nos envoyés spéciaux à Addis-Abeba)
“Les autorités marocaines m’ont retenue deux jours à l’aéroport de Marrakech, assise sur une chaise, sans boire ni manger, alors que je suis diabétique”. Ce sont les premiers mots de Suelma Beirouk, vice-présidente du Parlement panafricain, lorsque Telquel.ma l’interpelle au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba. Cette représentante du Polisario fait ici référence à son refoulement à Marrakech en novembre dernier à l’occasion de la COP22. Le Maroc quant à lui, avait estimé que Suelma Beirouk disposant d’un passeport reconnu internationalement, le fait de se présenter avec un passeport non reconnu, délivré par la RASD, était une provocation.
Cet épisode qui s’est déroulé bien loin de la capitale éthiopienne il y a de cela deux mois, participe à alimenter aujourd’hui, dans les couloirs de l’Union africaine, l’argumentaire hostile au Maroc du Polisario. Auprès des correspondants des médias internationaux, les représentants de la RASD martèlent que le “Maroc est la dernière force colonisatrice en Afrique”. La délégation du Polisario, accompagnée dans ses sorties médiatiques par une horde de journalistes algériens, ne fait pas dans la demi-mesure. « Le Maroc applique une politique coloniale, à l’encontre du peuple du Sahara occidental, semblable à la politique autrefois perpétrée par le régime de l’apartheid contre les Sud-africains et les Namibiens« , déclare sans sourciller le ministre des Affaires étrangères du Polisario, Mohamed Salem Ould Salek au cours d’une conférence de presse, le 27 janvier, sur sa position vis-à-vis du retour du Maroc au sein de l’organisation panafricaine,
Malgré la virulence des attaques contre le Maroc, les représentants de la RASD se gardent bien de se prononcer publiquement contre “l’adhésion du Maroc à l’UA”, selon leurs termes. Ils y apportent une condition de taille : que le Maroc reconnaisse les frontières de la RASD. “Si le Maroc reconnait nos frontières, bien sûr que nous soutiendrons son adhésion. C’est un pays voisin et un peuple frère”, nous déclare Suelma Beirouk. Le ministre des Affaires étrangères de la RASD, Mohamed Salem Ould Salek, ne dit pas autre chose. Interpellé par Telquel.ma sur les soutiens du Polisario contre le retour du Maroc lors de sa conférence de presse, le ministre opère un retournement de paradigme. “Mais qui vous dit que nous allons nous opposer à l’adhésion du Maroc ?”, répond-il, fier de son effet. Les conditions posées par le Polisario n’apparaissent pas dans le processus d’adhésion prévu par l’UA, mais l’organisation sahraouie s’appuie sur l’article 4 de l’Acte constitutif de l’UA, que le Parlement marocain a ratifié à l’unanimité, et qui dispose que les États membres respectent les “frontières existant au moment de l’accession à l’indépendance« .
Rien ne prouve aujourd’hui que la RASD obtiendra gain de cause. Cependant, les fausses informations présentées lors de cette conférence de presse — comme cette affirmation surprenante du ministre des Affaires étrangères : « l’Union européenne a rompu tous les accords commerciaux qui la liaient au Maroc” – témoignent de la liberté qu’a pu prendre le Polisario en 32 ans de politique marocaine de la chaise vide. La présence même de journalistes marocains surprend le ministre du Polisario. « Vous êtes un journal marocain ? Ce n’est pas grave« , lâche-t-il.
Pour l’heure, le Maroc compte une quarantaine de pays favorables à son retour au sein de l’UA, mais la diplomatie marocaine s’interdit à toute déclaration aux médias. Soucieux d’objectivité, les médias internationaux se retrouvent d’ailleurs dépourvus pour équilibrer leurs publications dans lesquels ils peuvent citer à loisir des représentants du Polisario. Mais les officiels marocains veulent ainsi éviter de prêter le flanc aux voix critiques à son retour. C’est auprès des délégations officielles des États membres que l’argumentaire et les intentions du royaume sont présentés par la diplomatie marocaine, avec aux commandes Mohammed VI qui est arrivé vendredi 27 janvier tard dans la soirée à l’aéroport international de Bole. Il a ainsi rejoint ses ministres diplomates déjà présents à Addis Abeba, Salaheddine Mezouar et Nasser Bourita.
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