Plus d’un mois après le début de la polémique autour du contenu des manuels d’éducation islamique destinés aux classes de première année du baccalauréat, le chef du gouvernement a publié, le 19 décembre, un communiqué visant à « éclairer l’opinion publique nationale et internationale » sur le sujet.
« Dégénérescence »
Pour rappel, ces manuels étaient décriés par les professeurs de philosophie, car ils incluaient une référence à Ibn Salah Al Shahrazuri, un spécialiste irakien du hadith shafi’i du XIIIe siècle. Ce dernier affirme que « la philosophie est l’essence de la dégénérescence ».
Dans son communiqué, Benkirane insiste sur le fait que « la révision des manuels scolaires a concerné environ 29 ouvrages, alors que le débat a porté sur un seul à cause d’une phrase faisant référence à la philosophie ». Le chef du gouvernement explique que « ce passage a été introduit dans le but de démontrer la pensée extrémiste de son auteur en vue de la débattre ».
Abdelilah Benkirane rappelle également que « le Maroc est réputé pour être l’un des rares pays à enseigner la philosophie pendant les trois années de l’enseignement secondaire ». Il ajoute que « les nouveaux manuels d’éducation islamique, élaborés conformément aux hautes instructions royales, sont le fruit du travail collectif d’une équipe de pédagogues et de membres du Conseil supérieur des oulémas ».
Le chef du gouvernement reprend presque mot pour mot les termes déjà utilisés dans le communiqué du cabinet royal annonçant la réforme des manuels le 6 février dernier. Le texte rappelait que la révision avait été réalisée dans le but « d’accorder une plus grande importance à l’éducation aux valeurs nobles de l’Islam, dans le cadre du rite sunnite malékite, qui prônent le juste-milieu, la modération, la tolérance et la cohabitation avec les différentes cultures et civilisations humaines« .
Benkirane précise que « la réforme de l’enseignement est supervisée par le conseil supérieur de l’éducation (…) selon une approche nationale consensuelle irréversible à laquelle adhèrent l’ensemble des instances et institutions concernées« , et dont la finalité est de « perfectionner le système éducatif national« .
Protestations des professeurs de philosophie
En décembre, les enseignants de philosophie sont montés au créneau pour appeler au retrait du manuel « Al Manar de l’éducation islamique« qui comporte la référence controversée sur leur discipline. Ils avaient même organisé des sit-in de protestation du 21 au 23 décembre. « Le chapitre intitulé ‘la Philosophie et la foi’ présente la philosophie comme une matière d’impies et se positionnant contre l’islam. Le teneur de cette leçon excommunie notre matière, ce qui est à l’encontre de l’objectif de la révision de l’éducation religieuse« , nous expliquait Abdelkarim Safir, secrétaire national de l’Association marocaine des enseignants de philosophie (AMEP). « On ne peut pas prêcher la haine et prétendre promouvoir la tolérance », avait-il ajouté. La réponse du ministère ne s’était pas fait attendre.
Avant ces manifestations, le département de Rachid Belmokhtar avait publié, le 19 décembre, un communiqué évasif dans lequel il expliquait que « les documents officiels relatifs au sujet insistent sur le fait que la pensée philosophique renforce le savoir et fait évoluer la pensée et que la philosophie raisonnable et la vraie foi ne sont pas antinomiques ».
Rappelons que la décision de refonte de l’éducation religieuse dans les manuels scolaires a été impulsée par le roi lors du conseil des ministres qui s’est tenu le 6 février à Laâyoune. En juin, le ministère de l’Éducation nationale a annoncé une vaste opération de révision portant sur 147 manuels. Ces derniers devaient être prêts pour la rentrée 2016, expurgés de références sexistes, rétrogrades ou réductrices, notamment envers les personnes handicapées.
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