Tintin et le monde arabe: l'Orient fantasmé et cliché d'Hergé

A Paris, une exposition au musée du Grand Palais revient sur Hergé, le célèbre dessinateur de bande dessinée belge. Un sujet reste pourtant tabou dans l'oeuvre du père de Tintin et Milou : l'Orient et le monde arabe.

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Rarement une bande dessinée aura été autant critiquée que Tintin au Congo,  notamment pour son ton jugé colonialiste et raciste. L’exposition du Grand Palais à Paris, consacrée au personnage à la houpette jusqu’au 15 janvier revient sur la polémique autour de cet album. Toutefois, elle n’aborde quasiment pas le rapport du célèbre reporter avec le Moyen-Orient et le monde arabe.

« Il y a une salle qui montre des dizaines de couvertures d’albums assemblées les unes près des autres dans une foultitude de langues différentes… mais on n’y trouve pas un seul titre écrit en arabe alors que Tintin est traduit depuis longtemps », décrit Louis Blin, auteur de l’ouvrage Le Monde arabe dans les albums de Tintin (L’Harmattan) dans un article de Jeune Afrique. La salle dédiée à l’Orient se concentre alors sur l’Asie, et plus précisément la Chine.

Pourtant, le Moyen-Orient est le lieu de l’intrigue de trois albums: Les Cigares du Pharaon (1934), Tintin au pays de l’or noir (1950) et Coke en stock (1958). « L’exotisme, c’est l’Orient, c’est l’Arabie. C’est d’ailleurs dans cette contrée que Tintin a été le plus souvent dans trois des albums, sans jamais que l’auteur ne l’indique de manière explicite« , explique encore Louis Blin au Figaro.

Le Maroc a aussi droit à son album. Plusieurs vignettes de l’album Le Crabe aux pinces d’or (1941) se déroulent dans un port qui ressemble à la médina de Tanger (minute 29’25).

Spécialiste des ouvrages de Tintin, Louis Blin a été consul général de France à Alexandrie et Djeddah. Il explique dans Jeune Afrique qu’Hergé n’a jamais voyagé au Moyen-Orient et que l’auteur belge a laissé déborder son imagination à partir d’écrits, d’articles de presse, de photos et d’œuvres cinématographiques. Autant de domaines dominés par le prisme orientaliste et colonialiste de l’époque.

Des clichés glissés dans les planches

« Il faut se rappeler dans quel contexte ont été réalisés les premiers albums. Hergé, comme beaucoup de ses contemporains, était fasciné par ces contrées exotiques. Le Proche-Orient et le Moyen-Orient étaient des terres d’aventure, notamment dans les années 1930« , a contextualisé Louis Blin.

Les thèmes abordés dans ces albums sont fortement imprégnés de clichésqu’il s’agisse de trafic d’opium, de lutte pour le pétrole, de filières d’esclaves, de déserts exotiques, de bédouins colériques, ou de mirages et minarets. Tout est là pour construire un « Orient fantasmé« .

Si le Moyen-Orient est fantasmé, Hergé a été moins rigoureux dans la restitution de cette partie du monde par rapport au travail effectué en Chine notamment. Dans les albums, les textes en arabe ne sont pas toujours correctement calligraphiés, alors que les conversations rédigées en alphabets cyrillique et hébreu sont écrites avec exactitude. « Les premières éditions de ces albums parus dans la zone s’appuient sur une pseudo-écriture à base d’arabesques ! Ce n’est que dans les rééditions que de véritables caractères arabes sont introduits, et encore, souvent assez maladroitement« , détaille Louis Blin.

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