Les relations privilégiées qu’entretenaient le PJD et le mouvement Gülen (accusé d’avoir fomenté le putsch avorté en Turquie en juillet 2016) semblent être de l’histoire ancienne aujourd’hui. Pour preuve, les réactions tièdes et mesurées des cadres du PJD suite à la décision le 5 janvier du ministère de l’intérieur de fermer dans un délai d’un mois des écoles du groupe scolaire Mohamed Al Fatih, lié au mouvement Hizmet du puissant penseur Turc Fathallah Gülen.
« Je n’ai rien à dire à ce sujet car je ne maitrise pas le dossier » entonnent (presque en chœur) plusieurs cadres du PJD que Telquel.ma a contacté. C’est le cas de Abdelhak El Arabi, membre du secrétariat général (SG) du PJD, Mustapha El Khalfi ancien ministre de la Communication et membre du SG du PJD, les députées Amina Mae el Ainin et Nezha El Ouafi ou encore Abdellah Bouanou ancien chef du groupe parlementaire du PJD. Ce dernier s’est contenté de nous diriger vers un autre membre du parti. Seuls Abdelali Hamieddine membre du SG du PJD et Lahcen Daoudi ancien ministre de l’Enseignement supérieur ont livré un point du vue sur la question.
« Depuis le coup d’Etat, la Turquie demande la fermeture de ces écoles, l’Etat Marocain a effectué ses recherches et a établi le lien entre le groupe scolaire et Fathallah Gülen. J’ai lu plusieurs rapports dont celui du Conseil européen qui décrit ce mouvement comme dangereux et opaque » nous explique Hamieddine. Il ajoute cependant « c’est étrange de prendre la décision de fermer un groupe d’écoles au beau milieu de l’année scolaire, le ministère de l’Intérieur aurait mieux fait d’attendre la fin de l’année. Et au final ce sont les élèves qui vont en pâtir». Pour Lahcen Daoudi, « la décision, elle est ce qu’elle est, on ne peut pas la discuter. Par contre ce qui est intriguant c’est le fait de ne pas connaître les détails de la politique d’accompagnement de cette décision ». L’ancien ministère de l’Enseignement supérieur se demande « que va-t-il advenir des enseignants et des élèves marocains ? Est-ce que les écoles vont être cédées à des groupes marocains ? ». Il en conclut :« cette décision va déstabiliser beaucoup de monde, mais comme je ne connais pas le dossier, je ne peux pas faire le procès de qui que ce soit ».
Le PJD et le mouvement Hizmet ont longtemps entretenus des relations fortes mais l’idylle a pris fin en 2013. « Le PJD a pris ses distances avec le mouvement Gülen en 2013 suite à la rupture entre l’AKP (l’équivalent du PJD turc, ndlr) et Hizmet. C’est un geste opportuniste car ils ont choisi la politique plutôt que l’éducation et la culture incarnée par la mouvance de Fathallah Gülen » nous expliquait le politologue Driss Ganbouri. « Ils se sont retrouvés dans la vision et les théories développées par ce mouvement et avaient même diffusé les livres de Gülen au Maroc » ajoute-t-il. David Shinn, ancien ambassadeur américain au Burkina Faso et en Ethiopie et auteur de « Hizmet in Africa » va dans le même sens. « Hizmet entretenait des relations avec les islamistes modérés au Maroc, ils sont attachés à leurs universités et des mosquées ». Driss Bouanou spécialiste des mouvements islamistes en Turquie (mais aussi membre du PJD) relativise la relation (désormais consommée) entre le PJD et Hizmet « On ne peut pas vraiment parler de relation entre institutions mais plutôt de rapports entre personnes ».
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