La vague de révocations des imams que connaît le pays va-t-elle être jugulée ? C’est ce que laisse entendre l’activation de la Commission nationale de traitement des plaintes et doléances des préposés religieux (CNTPDPR) par le dahir 1.16 79 -publié le 29 décembre dans le bulletin officiel. Ce mécanisme figurait déjà dans le dahir 1.14 104 relatif au plan de réforme et de restructuration du champ religieux (juin 2014).
A quoi va servir cette commission ?
La CNTPDPR est un organisme qui aura pour mission d’examiner les plaintes et doléances des préposés religieux en cas d’injustices, ou lorsque ces derniers s’estiment lésés par le ministère des Habous et des Affaires islamiques.
Qui va siéger au sein de cette commission ?
La commission est présidée par le secrétaire général du Conseil supérieur des Oulémas (CSO) ou son adjoint. Les membres de la commission, nommés par le président, comprennent un membre du Conseil supérieur des Oulémas (ce dernier ne doit pas présider un conseil régional), un président de conseil régional, un membre de l’instance de l’iftae (avis religieux) du CSO, et deux préposés religieux exerçant la même fonction que le plaignant.
Quelles sont les plaintes recevables ?
Ne sont recevables que les plaintes postérieures à l’application du dahir 1.14 104, c’est-à-dire celles concernant des faits ayant eu lieu après le 26 juin 2014, date de publication du dahir dans le bulletin officiel. Le préposé religieux lésé par le ministère de tutelle peut être en exercice ou à la retraite, et sa plainte doit être écrite et datée. Elle doit également détailler les faits de litige. Le dossier est traité dans un délai maximal de deux mois « de la date de notification ou la certitude des faits du lèse et la date de la prise de connaissance des faits », précise l’article 5 du dahir.
Comment sont traitées les plaintes ?
Une fois le dossier déposé auprès de la commission, son président désigne un « Moukarir » (rapporteur)qui diligente l’enquête. Il convoque toutes les parties concernées par la plainte afin quelles soient entendues et peut même faire appel à des experts au besoin. Le décideur envoie ensuite un rapport au président de la commission. L’article 11 du dahir précise que le décideur ne devrait pas émettre d’avis personnel autour de la plainte dans son rapport. La commission se réunit alors (au minimum 4 membres), et peut convoquer les parties en conflit. Elle doit se prononcer dans un délai d’un mois à partir de la date de réception de la plainte.
Qu’en pensent les principaux concernés ?
Abdelaziz Kharbouch, secrétaire général de la Rabita nationale des imams, déclare à nos confrères d’Akhbar Al-Yaoum qu’il s’agit d’un « pas positif » mais se demande si la commission « est capable d’assimiler et de résoudre l’intégralité des problèmes rencontrés par les imams au Maroc ». Et de s’interroger : « est-ce une tentative de faire barrage aux recours devant le tribunal administratif ? ». En effet, l’article 33 du dahir 1. 14 104 précise que « les préposés religieux n’ont pas le droit de déposer des plaintes ou doléances à une autre partie en parallèle au dépôt d’une plainte devant la commission ».
Le politologue Driss Ganbouri a une analyse tout autre. « En moyenne et depuis les attentats du 16 mai, 30 imams sont révoqués par an pour des motifs assez divers (propos radicaux, interventions sur la langue amazighe ou sur le festival Mawazine. Les motifs de révocations des préposés religieux n’étaient pas très clairs et le processus de révocation était automatique et expéditif », explique-t-il. Il en conclut que « cette commission va donc pouvoir établir plus de transparences dans les cas des préposés lésés par le ministère que les imams ont tant critiqués pour être juge et partie à la fois ».
La dernière révocation ayant fait polémique est celle de Mohamed Abiate. L’imam fassi a été suspendu pour avoir expliqué que les incendies qui ont embrasé Israël en novembre 2016 sont « une leçon pour les musulmans ». Cette décision du ministère d’Ahmed Taoufiq a poussé quelques fidèles (dont des membres du PJD) à boycotter la prière du vendredi 2 décembre. Un fait inédit. Cette suspension remarquée est la dernière d’une très longue série (157 entre 2003 et 2012 selon Akhbar Al Yaoum. Elle confirme surtout les relations tendues entre les imams et leur ministère de tutelle. En 2011, ils étaient nombreux à manifester pour protester contre leurs conditions de travail.
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