La Cour des comptes vient de publier, sur son site Internet, un référé relatif à la gestion du matériel didactique et des produits chimiques par certaines académies régionales de l’Éducation et de la formation. Comme nous l’avions annoncé en septembre, l’enquête, dont les résultats ont été publiés ce 29 décembre, a été effectuée à la demande du ministre de l’Éducation nationale, Rachid Benmokhtar.
En effet, l’inspection générale des affaires administratives du ministère de l’Éducation nationale et de la Formation professionnelle a transmis le 16 décembre 2015 à la Cour des comptes neuf rapports qui font état « d’un ensemble de dysfonctionnements et de lacunes entachant les opérations d’acquisition et de gestion du matériel didactique et des produits chimiques », explique le référé de la Cour des comptes. L’enquête menée par les magistrats de l’institution dirigée par Driss Jettou a pu constater en effet ces dysfonctionnements.
Le communiqué de la cour affirme que « la mise en œuvre de cette enquête a relevé un ensemble de dysfonctionnements et de lacunes (…) et a déjà fait l’objet d’observations et de recommandations par la Cour des comptes ». « Toutefois, lesdits dysfonctionnements persistent encore, comme soulevé par les conseillers des cours régionales des comptes en charge des missions de contrôle de la gestion de certaines académies régionales », est-il précisé. Cela va « des registres d’inventaire du matériel didactique non conforme et non actualisé » à la « non-exploitation du matériel acquis » en passant par « l’absence d’un système de suivi et de contrôle » ou « les conditions de stockage et d’entretien non adaptées ».
Produits périmés
L’enquête a également permis de relever que certaines académies achètent du « matériel dépassé ou non compatible avec les programmes de l’enseignement, des fois sans prendre en considération les stocks disponibles ». Certains établissements scolaires se font livrer des « laboratoires mobiles sans les accessoires prévus par les cahiers des prescriptions spéciales, ce qui entrave leur exploitation ». Plus grave encore, « les laboratoires sont encombrés par d’énormes quantités de produits chimiques périmés. Ce qui nécessite l’engagement des mesures nécessaires, en concertation avec les autorités compétentes, pour inventorier, rassembler et neutraliser ces produits dans les plus brefs délais ».
L’ampleur des dysfonctionnements, qui « peuvent éventuellement nuire à la sécurité des personnes côtoyant les laboratoires » a poussé Driss Jettou, premier président de la Cour des comptes, à adresser ce référé, « avant même de toucher l’ensemble des académies régionales concernées par l’enquête préliminaire pour, d’une part, vous tenir au courant des lacunes et dysfonctionnements (…) et, d’autre part, de veiller à l’exploitation optimale des ressources allouées aux académies régionales, d’assurer la sauvegarde de leur patrimoine et de les inciter à mettre en œuvre, d’urgence, les mesures adéquates pour éviter la continuité et la persistance des dits dysfonctionnements », est-il précisé dans le référé.
La Cour des comptes formule, ainsi, un ensemble de recommandations précisant que ces défis « peuvent être relevés par une coordination des efforts de toutes les parties intervenant dans la gestion de ce matériel et des autres ressources » à savoir le ministère chargé de l’Éducation nationale, le conseil d’administration de l’académie et le corps pédagogique. Chacun est appelé à jouer un rôle. La Cour des comptes demande ainsi au ministère, entre autres, de compléter et finaliser l’organigramme des académies régionales, essentiellement par l’opérationnalisation des unités de contrôle interne et de contrôle de gestion. Il doit également mettre en place des procédures claires et transparentes, en précisant les responsabilités des différents intervenants dans les opérations d’évaluation des besoins, d’acquisition, de répartition et de suivi du matériel didactique et des produits chimiques, qu’il accompagnera par la préparation et la généralisation d’un guide spécifique.
Des dossiers devant la justice ?
Driss Jettou attend du ministère à ce qu’il veille, de façon générale, à la mise en œuvre des recommandations de la Cour des comptes et des propositions des inspections générales. Le conseil d’administration de l’académie est amené, de son côté, à participer à l’amélioration de l’efficacité de l’académie en assurant son rôle d’organe de gouvernance et en veillant au contrôle régulier des responsables et gestionnaires de cet établissement. S’agissant du corps pédagogique, la Cour des comptes estime qu’il peut jouer « un rôle fondamental en matière de rationalisation et d’optimisation de l’exploitation du matériel didactique et des produits chimiques dans le cadre de l’enseignement ».
Dans la foulée, le ministère de l’Éducation nationale a répondu au référé de la Cour des comptes, en listant les mesures qui ont été entreprises par le département de Benmokhtar. Ce dernier a suspendu provisoirement toutes les actions administratives et financières relatives à ces marchés jusqu’à l’achèvement des opérations d’inspection réalisées par son département et par la Cour des comptes. Il a, également, adopté un ensemble de mesures et d’actions lors de la sélection des nouveaux responsables et a formé les nouveaux directeurs provinciaux dans les différents domaines de gestion administrative et pédagogique, surtout dans la gestion des marchés publics. Il a, aussi, veillé à mettre en place une procédure pour se débarrasser des produits chimiques périmés. « Le ministère a adressé une lettre, le 15 septembre 2016, aux académies régionales de l’Éducation et de la formation, portant sur les mesures et les actions à prendre afin d’assurer une bonne gestion des produits et des liquides chimiques au sein des laboratoires scientifiques des établissements scolaires », détaille le département de Benmokhtar dans sa réponse à la Cour des comptes.
Malgré tout les accomplissements du ministère de l’Éducation, la Cour des comptes poursuit ses investigations et prendra, le cas échéant, toutes les mesures prévues par les textes en vigueur. Une source proche du dossier avait affirmé à TelQuel que des dossiers « allaient être présentés au pénal par les sages de la Cour ». En attendant, une copie de ce référé et des réponses le concernant sont sur le bureau du Chef du gouvernement et du ministre de l’Économie et des finances.
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