C’est un invité de marque, mais également volontiers blagueur, qui s’est exprimé sur les perspectives mais aussi les freins au développement en Afrique, le 15 décembre à Marrakech, à l’occasion des Atlantic Dialogues, organisées par OCP Policy center en coopération avec le think tank German Marshall Fund of the United States. Vêtu d’habits traditionnels nigérians comme à son habitude, l’ancien président Olusegun Obasanjo, reconverti dans l’élevage de poulets, s’est livré à un échange à bâtons rompus avec la célèbre journaliste de la BBC, Zeinab Badawi.
Obasanjo a estimé que le continent n’a tout simplement « pas été préparé à bien se développer » et ce à cause de la colonisation. « Le manque d’infrastructures et d’orientation nous a rendus incapables d’assurer le développement d’un continent qui a pourtant du potentiel », regrette-t-il. Sommé de revenir à l’actualité plus brûlante par la journaliste de la BBC, Obasanjo s’exécute mais pas avant de lancer une boutade: « Nous faisons toujours les choses mal, mais nous faisons mieux qu’avant ».
Pour l’ancien chef d’État, l’Afrique est désormais en mesure de concrétiser son développement, et en a désormais conscience. Il avance comme exemple l’ambition du chef d’État ivoirien, Alassane Ouattara, dont le pays est leader en production de cacao. Ce dernier a annoncé l’objectif de relever la part de transformation de fèves de cacao en chocolat, de 33 % actuellement à 60 % à l’horizon 2020. Cette volonté de prendre en main le développement du continent, Obasanjo la perçoit également dans la récente ouverture du Nigéria vers le Maroc: le royaume veut profiter de la production de gaz du pays tandis que le Nigéria mise sur l’industrie des fertilisants au renfort des phosphates marocains.
« Nous avons stupidement fait du pétrole la priorité »
L’optimisme de l’ex-président a été, toutefois, nuancé par Zeinab Badawi, qui lui rappelle les chiffres peu reluisants de l’économie nigériane en récession : un taux d’inflation de 70 %, 90 % des exportations composées d’hydrocarbures, marquées par une trop lourde dépendance de l’économie vis-à-vis du pétrole. « Nous avons stupidement fait du pétrole la priorité », regrette Obasanjo, ce qui sonne comme une autocritique venant du père de la NNPC (Nigerian national petroleum corporation)
L’ancien président, soulève une autre ombre au tableau : la corruption systémique. Après avoir critiqué le nouveau président du Nigéria Muhammadu Buhari fin novembre, Obasanjo semble désormais plus diplomate : « Il fait du bon travail en combattant la corruption ». Cependant, il n’est pas « très fort en économie comme les gens savent », avance-t-il.
Interrogé sur l’économie informelle au Nigeria, Obasanjo affirme : « les gens préfèrent mettre l’argent sous leur oreiller plutôt qu’à la banque ». Il relève également une autre tare : 15 % des jeunes au Nigéria en âge de travailler sont sans emploi. Autant de défis qui rendent nécessaire une intégration régionale entre les pays du continent. Pour Olusegun Obasanjo, le futur passeport africain commun est la meilleure nouvelle dans ce sens. « Autrement, comment s’arranger avec les investisseurs à qui il faut quinze visas avant de voyager ? », s’exclame-t-il, plaidant aussi pour une monnaie africaine unique.
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