Les sexologues espèrent peser dans les débats sociétaux au Maroc

La sexologie, encore tabou il y a vingt ans, a désormais droit de cité. Praticiens et chercheurs espèrent aujourd'hui peser dans les débats de société.

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L’association marocaine de sexologie organise ces 29 et 30 octobre le 17e congrès de sexologie à Marrakech. Rachid Aboutaieb, professeur à la faculté de médecine Hassan II à Casablanca et président de l’association, se réjouit qu’un intérêt toujours plus accru pour cette matière se développe au Maroc. Sur le plan universitaire, il n’y a que la faculté de médecine de Casablanca qui propose, depuis 2000, une spécialisation en sexologie. Certes, « mais l’intérêt pour la sexologie se remarque ailleurs : on relie toujours plus dans les universités les questions de sexualité au droit ou à la criminologie » nous précise Aboutaieb. Les parutions concernant ce sujet sont aussi toujours plus nombreuses, depuis le livre pionnier et best-seller Au-delà de toute pudeur de Soumaya Naamane Guessous, paru en 1988. Aujourd’hui, un autre écrivain, Abdessamad Dialmy, publie de nombreux ouvrages et articles ayant trait à la sexualité. Il est régulièrement invité dans les médias et pour animer des conférences.

Au Maroc, le terme de sexologue recouvre plus ou moins deux professions : d’un côté, les chercheurs qui travaillent sur la question de la sexualité, à l’instar de Dialmy et qui sont souvent issus de la sociologie, et de l’autre, les praticiens qui accueillent des personnes souffrant de troubles de la sexualité. Aboubakr Harakat est de ces derniers. Cela fait plus de dix ans qu’il accueille dans son cabinet casablancais des patients. À l’orée des années 2000, ils n’étaient encore que deux ou trois. Ils sont aujourd’hui une grosse dizaine rien qu’à Casablanca à dégainer une spécialisation universitaire en sexologie, le plus souvent obtenue à l’étranger.

Il y a vingt ans, quand sexologie rimait avec pornographie…

Cet intérêt toujours plus accru, l’association marocaine de sexologie veut l’encourager. Aboutaieb se souvient qu’il y a vingt ans, l’association avait encore du mal à trouver des lieux pour abriter des conférences. Déjà, lors de sa création, en 1992, l’association avait dû patienter avant de recevoir son récépissé. « Des fonctionnaires confondaient sexologie et pornographie » note Aboutaieb. Pour ce dernier, « de nombreux événements mondiaux comme l’apparition du VIH, les débats sur l’avortement, le développement de la contraception ou encore la généralisation des médicaments contre les troubles de l’érection ont fini de convaincre les citoyens et les institutions de l’importance de [leur] travail. » Les sexologues se sont installés dans le paysage médiatique, et Aboutaieb aimerait aujourd’hui les voir plus représentés dans les universités.

Plaider pour l’éducation sexuelle

Pour autant, de nombreux sexologues ne cachent pas leur volonté d’avoir de l’impact dans la société : percer dans le monde académique ne signifie pas se réfugier loin des débats. « Un de aspects de notre travail est déjà de fournir du matériel académique aux associations qui font du plaidoyer » assure Aboutaieb. Et pour ce dernier comme pour nombreux de ses confrères, le 17e congrès de l’association représente une opportunité « pour se montrer plus volontaires dans [leur] défense du droit de choisir et de vivre sa sexualité, librement. » En plus de participer à la vulgarisation du savoir en matière de sexualité, Aboutaieb entend notamment plaider pour une éducation sexuelle plus efficace.

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