Mouhcine Benyachou: psychiatre, sexologue et candidat aux législatives 2016

Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) présente à la circonscription d’Aïn Chock une liste menée par le psychiatre-sexologue Mouhcine Benyachou. Même s'il fait ses premiers pas en politique, il croit en ses chances.

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Alors que les Marocains commencent doucement leur semaine ce lundi 3 octobre, Mouhcine Benyachou, lui, fait le point sur les derniers préparatifs pour poursuivre sa tournée électorale à Sidi Maârouf. Le candidat PPS à la circonscription d’Aïn Chock respecte à la lettre les conseils des cadors du parti : se concentrer sur les zones où il y a le plus d’inscrits, aller au contact des électeurs, faire du porte-à-porte pour leur confirmer sa présence. Des conseils précieux pour cet apprenti-politique qui a rejoint les rangs du PPS quelques jours avant la fin du délai de dépôt de candidature. « Je n’ai jamais fait de politique auparavant, c’est la première fois que je rejoins les rangs d’un parti », nous confie-t-il, entre deux gorgées d’Oulmès. Attablé à un café au cœur de Sidi Maarouf, Benyachou attend que son équipe de campagne arrive.

Pendant près de 40 minutes, il nous parle de lui et de sa prise de conscience de l’importance de l’engagement des intellectuels en politique. Une discussion aux aires de séance de thérapie. « Je ne pensais jamais franchir le pas, mais j’ai fini par le faire, encouragé par beaucoup d’amis et de connaissances engagés en politique », confesse-t-il. Docteur Benyachou a été courtisé par plusieurs partis, dont le PJD et le PAM, entre autres. Il a choisi le PPS parce qu’il se retrouve dans leur projet de société, justifie-t-il, mais aussi parce que le contact avec Chrafat Afailal s’est très bien passé. C’est à travers elle qu’il finira par rencontrer les cadres du parti et se mettra d’accord avec eux pour défendre ses couleurs. « Je ne me serais jamais présenté si ce n’est pas en tête de liste », affirme le psychiatre, qui se dit très confiant de sa réussite. Cette confiance, il la puise dans son « capital-médiatisation ». En effet, Mouhcine Benyachou est un habitué des plateaux télévisés. Il a été propulsé sur les devants de la scène grâce à l’émission « Kissat Nass » diffusée sur Médi1TV, où il a participé à plus d’une cinquantaine d’épisodes.

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La voix de la Chabiba

Vers 16 heures, on prend le chemin du petit quartier général (QG) improvisé non loin du terminus des autobus à Sidi Maarouf et à quelques pas d’un local estampillé RNI. « C’est le père de Fadoua [candidate dans la liste de Benyachou, NDLR] qui nous a prêté ce local pour y afficher nos couleurs, car les autres partis sont prêts à payer pour empêcher les concurrents de trouver des locaux », confie le docteur qui avoue ne pas avoir déployé beaucoup de moyens dans cette campagne. En dehors des 30 000 dirhams alloués par le parti, Benyachou cherche à réduire les coups. Une équipe de cameramen professionnels a été mise à sa disposition « presque gratuitement » par un membre de sa famille. Aussi, des véhicules personnels ont été utilisés pour les déplacements. Le temps d’enfiler les gilets et les casquettes portant les couleurs du PPS, le docteur, son colistier Mohammed Mansour et la quinzaine d’étudiants qui composent son équipe de campagne entament la tournée.

À peine ont-ils avancé de quelques mètres qu’ils se retrouvent nez à nez avec un cortège de l’UC. La rencontre se passe de façon cordiale, à l’image de celles qui suivront. Parfois, le tête de liste PPS enjoint son équipe d’éviter toute confrontation. « Je ne veux aucun débordement », dit-il aux jeunes étudiants dont une bonne partie est issue de la jeunesse socialiste. Younes, un étudiant en deuxième année de commerce et membre de la Chabiba, prend le devant du cortège. Un mégaphone à la main, il claironne : « Vote, citoyen, vote pour le livre, vote pour le sérieux, vote ». Et quand le registre change de l’appel au vote, les slogans utilisés par ces jeunes tranchent avec ceux des opposants. Les électeurs ont droit aux chants partisans de la Chabiba qui appellent au militantisme : « Milite, citoyen, pour la liberté, pour la dignité, pour l’éducation… ». Même le poème « La volonté de vivre » d’Abou Al Kacem Chebbi et hymne de la révolution tunisienne est récité avec vigueur : « Lorsqu’un jour le peuple veut vivre, force est pour le destin de répondre. Force est pour la nuit de se dissiper et pour les chaînes de se briser… elles se briseront ! Elles se briseront ! » scandent-ils. Benyachou est fier de ces slogans qui représentent l’intellectuel qu’il est, mais qui ne trouvent pas forcément écho auprès de sa cible du jour.

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Le chemin de la misère

Les quartiers sillonnés, en situation de forte précarité sociale, interpellent Benyachou. « Je découvre en effet beaucoup de misère, mais elle ne me surprend pas, car je reçois en tant que psychiatre beaucoup de cas qui représentent cette population », reconnaît-il. Ce qui le surprend, en revanche, ce sont les demandes des habitants des douars qui s’attendent à ce que les candidats leur offrent de l’argent ou de la nourriture. Une pratique à laquelle se refuse le candidat du PPS. Il refuse aussi les promesses de Gascon. « Je ne sais pas si cette sincérité va donner ses fruits ». En arpentant le quartier Ennajah, les scènes changent en un clin d’œil. Au détour d’une ruelle, les maisons populaires, laissent la place aux constructions anarchiques. L’absence des éléments de canalisation est remarquée. « En faisant cette campagne, je découvre des choses que je suis d’ailleurs en train d’analyser », proclame-t-il. La posture de psychiatre reprend le dessus pendant quelques minutes. « Beaucoup d’intellectuels marocains ne s’intéressent pas à la politique, plusieurs d’entre eux n’ont même pas de carte électorale pour aller voter. C’est un problème. Les gens que je suis en train de voir ici sont des analphabètes sans aucune connaissance des partis politiques, et ce sont malheureusement eux qui votent. C’est un paradoxe dans la société marocaine », analyse-t-il. Et ces gens semblent être lassés des parades électorales qui se tiennent à longueur de journée. Certaines passent à côté des cortèges sans leur jeter le moindre regard.

Malgré cela, Benyachou et son colistier Mansour abordent le maximum de personnes, leur offrent le tract et un résumé du programme électoral du parti. « Nous sommes généralement bien accueillis car les gens, surtout les femmes, me reconnaissent » assure le psychiatre. Parfois, les choses se passent différemment. « Vous êtes médecin à Mourizgo [hôpital Ibn Rochd, NDLR] ? », demande une passante curieuse quand elle entend le candidat, être appelé docteur. Une autre dame, mère d’un enfant malade, profite du moment pour faire une consultation. D’autres personnes osent même chasser les candidats ou leur jettent les tracts au visage. « C’est désagréable, mais bon, on évite de réagir », confie le tête de liste PPS.

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« Allo docteur ! »

18 heures 30. Benyachou fait le point avec son équipe qui présente des signes de fatigue après une journée laborieuse. « Quand les gens qui ont des téléphones semblent être connectés à Internet, prenez le temps de leur montrer notre page Facebook pour qu’ils puissent avoir une idée sur qui nous sommes et les grandes lignes de notre programme ». La place qui se trouve en face du groupe scolaire Al Omrane est bondée en cette fin de journée. L’équipe se scinde en deux. Les garçons se dirigent vers des groupes de retraités rassemblés autour d’un jeu de dames. Les filles accompagnent le docteur qui se tourne vers des femmes, qui l’accueillent chaleureusement. L’équipe prend le soin d’aborder le maximum de personnes. Un rassemblement pareil, c’est du pain béni.

Des militants PPS du quartier viennent à la rencontre des candidats. L’un d’eux leur reproche d’avoir négligé cette partie de la circonscription où le parti a beaucoup de sympathisants. « Voilà une faille », avoue le docteur. La tournée se poursuit. L’équipe passe par le boulevard Abou Bakr Al Kadiri, route Sidi Massoud et arpente les ruelles de douar Drabna. Elle accorde une importance à cette zone où résident beaucoup de votants, car dans leur stratégie, les candidats évitent de s’attarder dans les quartiers où il y a peu d’électeurs. « Certains quartiers sont encore nouveaux et donc les gens ne sont pas inscrits dans cette circonscription, ça ne sert à rien d’y dépenser de l’énergie. Je sais là où il y a du potentiel, car nous travaillons en amont en sensibilisant les jeunes pour s’inscrire dans les listes électorales », explique Mohammed Mansour, un homme de terrain, et acteur associatif connu de la circonscription d’Ain Chock. Même s’il n’a pas eu beaucoup de chance lors des communales, il retente sa chance le 7 octobre et semble être confiant : « les habitants de cette circonscription, surtout ceux de Sidi Maârouf, sont déçus des élus qui n’ont pas tenu leurs promesses ».

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Vers 20 heures, la nuit commence à tomber. Les jeunes qui se dépensaient pour la gloire du livre et des valeurs qu’il représente sont rattrapés par leurs occupations favorites. Les discussions portent désormais sur la musique. Il est temps de rentrer. Sur le chemin du retour, Wafaa, Mehdi et Younes prennent la tête de peloton pour scander quelques slogans. Les deux candidats, eux, débriefent cette journée de campagne tout en distribuant de temps en temps un flyer ou deux. De retour au QG, Fedoua qui est restée sur place, récupère le matériel de campagne et ferme boutique. Les jeunes se dispatchent dans les voitures disponibles pour rentrer. Après plusieurs jours de campagne, Benyachou croit en ses chances de gagner son siège. « De plus, le Parlement a vraiment besoin d’un psychiatre », nous lâche-t-il, amusé.

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