Start-up au Maroc: les business angels se font attendre

Si les idées sont là, les jeunes créatifs et startupeurs marocains ont souvent bien du mal à les mettre en œuvre et à les exporter. La planète start-up marocaine souffre encore d'un manque de business angels, prêts à prendre le relais.

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La sphère start-up marocaine a-t-elle du mal à émerger ? Le fonds d’investissement Innov Invest, présenté en juillet et doté de 500 millions de dirhams censé aider les jeunes entreprises marocaines, en matière de financement, attend désormais l’approbation de la Banque mondiale, pour être officiellement lancé. Ce fonds rassure quelque peu une sphère start-up marocaine qui tente, malgré les contraintes, de se faire une place sur la scène mondiale. Et pour cause, si les idées sont là, les jeunes entreprises marocaines ont souvent du mal à exploiter et exporter leurs idées. La faute à une absence d’accompagnement juridique, structurel et surtout financier pour celles et ceux qui débutent dans le secteur entrepreneurial.

Anis Kirama, inventeur marocain récemment primé à Toronto, lors de l’Ican 2016, pour sa prise intelligente, nous a par exemple assuré vouloir commercialiser son produit, « en tant que start-up marocaine », mais révèle que lors de la compétition au Canada, plusieurs personnes et organismes internationaux (Malaisien, Américain, Coréen ou Polonais) étaient déjà à l’affût. « Cela nous donne une puissance et une motivation afin de le commercialiser le plus tôt possible. » Une motivation certes, mais qu’il convient de contrôler. Pour Mokthar Tazi, Directeur Général de Maroc Numeric Cluster, soutenir nos talents passe par le conseil et l’accompagnement : « Il faudrait les encourager à internationaliser davantage leur business model pour atteindre le stade de success stories. » Pour lui, un tel acte passe par un renforcement des partenariats avec les réseaux d’innovation à l’international, une simplification des démarches administratives et une collaboration plus soutenue avec les grands groupes marocains qui pourraient bénéficier de synergies intéressantes avec les start-up.

Dans une interview pour l’Économiste, Omar Balafrej, directeur général du Technopark, une pépinière de start-up, revenait en juin 2016 sur les quinze ans d’existence de l’incubateur. Ce dernier se satisfaisait d’avoir accompagné plus de 900 jeunes entreprises, via le Technopark mais en reconnaissait pour autant ses limites : « Là où nous n’avançons pas suffisamment, c’est dans la stimulation de la commande. » Et d’expliquer : « Pour que les start-up décollent, il faut que les grandes entreprises privées et publiques leur fassent confiance en leur achetant des services et des produits. »

Accompagner les entreprises de demain

« La réalité c’est qu’aujourd’hui, pour les projets en démarrage, nous avons assez peu de capital risqueurs ou de business angels. Jusqu’à présent, le profil de ce genre d’investisseur se compose de personnalités dotés d’une forte fibre entrepreneuriale et ayant eux même réussi dans les affaires », estime de son côté Mokhtar Tazi. Ce dernier souhaite que des clubs de Business Angels voient le jour « afin de mutualiser le risque et dynamiser d’avantage ce genre d’investissement. »  « Pour l’instant, les entrepreneurs lèvent de l’argent auprès de connaissances, utilisant leurs réseaux personnels. Il s’agirait d’avoir des business angels visibles et compétents à qui n’importe quel entrepreneur pourrait présenter son projet », complète Aline Mayard, fondatrice de la start-up The Blue House, et Rédactrice en charge du Maghreb du site spécialisé Wamda.com. Selon elle, les start-up peuvent réussir sans financement. Ces derniers aident mais il ne s’agit pas d’un passage obligé : «Il vaut mieux se concentrer sur les ventes et les entrées d’argent que sur les levées de fonds.»

Celui ou celle qui créé sa startup n’a, bien souvent, pas le choix. Il se doit incarner à la fois un profil de businessman, de créatif et de technicien. « Trois profils indispensables et complémentaires dans toute start-up », selon Mokhtar Tazi. « D’ailleurs, les investisseurs accordent généralement une plus grande importance à la qualité de l’équipe qu’à l’idée elle même. Il arrive souvent que la start-up ait besoin de “pivoter” pour s’adapter aux conditions de son marché ou pour développer ses activités. La performance (parfois la survie) de l’entreprise dépends fortement de la capacité de ces trois profils à collaborer efficacement. »

En cela, le fond d’investissement« Innov Invest », qui a été mis en place pour faciliter le financement des start-up innovantes, marque le début d’un processus d’aide à la création. « Ce fond témoigne d’une réelle volonté d’abattre la barrière à l’entrée », explique Mokhtar Tazi. Mais de poursuivre, prudent : « Encore faut il que les mécanismes de financement soient suffisamment audacieux et simples à mettre en œuvre pour soutenir le potentiel de développement des start-up. » Une prudence partagée elle aussi par Aline Mayard : « Il y a toujours eu de l’argent disponible au Maroc mais les modalités d’obtention de cet argent ne correspondaient pas à ce dont avaient besoin les entrepreneurs (rapidité, flexibilité, transparence, etc.) »

Problème de ciblage ?

En témoigne l’interview d’Omar Balafrej, de nombreuses jeunes entreprises marocaines ont été aidées, financièrement, structurellement ou juridiquement depuis déjà plusieurs années, mais toutes n’ont pas connu la success story escomptée. Le Maroc aurait-il tendance à créer des fonds pour aider les start-up, en privilégiant la quantité, plus que la qualité ? Pour Mokhtar Tazi, il est important de combiner néanmoins les deux approches : « Le quantitatif car la scène start-up marocaine est assez jeune et nous avons statistiquement besoin de beaucoup d’entrepreneurs pour faire émerger des success stories. Mais aussi une approche qualitative, avec une montée en puissance en termes d’innovation, de financement et de réseaux pour accéder aux marchés et se faire une place à l’international. » Un sentiment partagé par Aline Mayard : « Plus il y a d’entrepreneurs, de start-up, plus les chances de succès augmentent. En créant le bon environnement, plus oseront se lancer, prendre confiance en eux.» « Le prochain génie de l’entrepreneur habite peut-être dans une petite ville du sud du pays et n’a jamais entendu parler des concepts de l’entrepreneuriat », estime cette dernière.

La prise de risque, un atout inné ?

Pour cette spécialiste du secteur, il ne faut pas être « obsédé » par les success stories, les produits révolutionnaires ou les services qui s’exportent. Chercher à obtenir des success story à  l’américaine a, selon elle moins de sens, pour une entreprise marocaine : « Je suis sûre que si le Maroc obtient sa success story internationale, ce sera une entreprise qui aura tracé son bout de chemin, la tête sur les épaules, et dont les résultats parleront d’eux-mêmes. Cela ne ressemblera pas à une success story américaine ou à une success story anglaise », explique-t-elle, convaincue que la sphère start-up marocaine peut tracer sa propre route.

Mokhtar Tazi estime de son côté que les marocains « sont des commerçants dans l’âme et sont en phase avec la culture start-up. Il faudra continuer l’effort de soutien aux start-up pour entrer dans une spirale positive. » « Des success stories telles que M2TKilimanjaro et autres Hmizates ne manqueront pas d’encourager les gens à rejoindre le mouvement », met-il en évidence.

 

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