Les élections législatives du 7 octobre s’annoncent très disputées, notamment entre le PJD qui cherche à rempiler et son principal opposant, le PAM, qui espère lui aussi arriver premier du scrutin. Durant cette période préélectorale, les partis excellent dans la cooptation de candidats assurés de remporter de précieux sièges. Habituellement à cheval sur le référentiel conservateur et islamiste, le PJD change de tactique cette année en sollicitant des candidats qui ne partagent pas, ou peu, ses idées. Dans plusieurs interventions de ses leaders, on parle de la volonté du parti de présenter «des compétences nationales» dans les listes du parti de la lampe, une sorte de «front antitahakoum». Le PJD multiplie les contacts avec des personnalités, notamment de gauche. Pour l’heure, selon nos informations, aucun d’entre eux n’a accepté de franchir le pas, mais tant que toutes les listes des candidats ne sont pas bouclées, nous ne sommes pas à l’abris de surprises.
Lire aussi: Qu’est-ce que le « tahakoum » ?
Hassan Tariq, député sortant de l’USFP, est un exemple des personnalités de gauche contactées par le PJD. Son nom avait circulé un temps comme candidat du parti de la lampe dans la ville de Mohammedia. Au final, ce dernier a décliné l’offre du PJD. Il nous explique la stratégie du parti islamiste. Le parti de la lampe «pense que la bataille actuelle n’est pas idéologique mais politique dans la mesure ou il propose à ceux qu’il contacte un minimum d’accord politique, en l’occurrence être contre le Tahakoum», analyse-t-il. Et pour contrer ce fameux Tahakoum, le PJD n’est pas très regardant sur le référentiel des personnes contactées, comme nous l’explique en off une autre personnalité approchée: «on ne te demande pas de changer ta façon de penser ou tes positions ou de passer par les canaux partisans ou de prédication. Ils veulent des compétences nationales pour contrer le Tahakoum et qui peuvent travailler de l’intérieur de l’institution parlementaire à travers la législation, le plaidoyer et le questionnement».
Simple transhumance?
La direction du PJD ratisse plutôt large concernant le type de profils recherchés et leur domaine d’action. Des militants de gauche (Hassan Tariq), des militants des droits de l’homme (Abdelaziz Nouaydi), des activistes (Najib Chaouki), des hommes d’affaire (Bouchta Boussouf ), des salafistes (Hammad Kabbaj ), mais aussi des transfuges de son ennemi juré, le PAM (Najib Ouazzani). Ce dernier ralliement a fait couler beaucoup d’encre dans la mesure où Najib Ouazzani, membre fondateur du parti du tracteur, devrait se présenter à Al Hoceima, le fief électoral d’Ilyas Elomari patron du PAM. Notons que sur l’ensemble de ces personnalités citées, seuls Najib Ouazzani et Hammad Kabbaj sont effectivement candidats PJD. Bouchta Boussouf a d’abord accepté avant de disparaître des radars « victime de pressions », rapporte Akhbar Al Yaoum dans l’édition du 9 septembre. Aucune personnalité de gauche ne figure encore dans le tableau de chasse du PJD.
D’ailleurs, le PJD n’est-il pas en train tout simplement de grossir ses rangs pour grappiller un maximum de voix, sous couvert de lutte contre l’autoritarisme ? En somme, la classique transhumance à laquelle nous ont habitué les partis, mais drapée du voile de la lutte contre l’autoritarisme? Les islamistes s’en défendent. Bilal Talidi, ancien rédacteur en chef d’Attajdid et membre du conseil national du PJD, souligne dans un article paru sur َAlyaoum24.com qu’il ne faut pas considérer «cette cooptation comme de la transhumance car elle est n’est pas le fait de calculs électoralistes». Contacté par telquel.ma, le membre du bureau politique du PJD, Abdelali Hamieddine insiste sur l’objectif politique de cette (tentative) d’ouverture à gauche: « le pays à besoin de consacrer le principe de coopération et de travail avec toutes les énergies en faveur du projet de construction démocratique, peu importe ses positions idéologique et les désaccords intellectuels». En plus de ne pas exiger des personnes à qui il a proposé de se présenter dans ses listes de changer leur positions et se conformer à celles du parti, le PJD tente aussi d’autres approches. «On m’a proposé, en cas de désaccord avec le groupe parlementaire, de former un groupement parlementaire avec d’autres personnes», nous explique, toujours en off, un autre militant contacté par le PJD. «Cela montre que le parti n’est pas sectaire mais ouvert», commente pour sa part Hassan Tariq.
Aljabiri ressucité
Cette stratégie d’ouverture tout azimuts a ses détracteurs, qui craignent davantage de confusion encore sur la la carte politique, mais elle a ses aficionados qui rappellent que c’est une idée pas si nouvelle. Dans les années 1980 déjà, l’intellectuel et militant de l’USFP, feu Mohamed Abed Aljabiri, avait appelé à une «koutla historique» composée des partis du mouvement national et des islamistes pour une alliance qui peut bâtir la démocratie au Maroc. Il explique qu’il ne faut pas reproduire la faute des nationalistes, des panarabistes et des marxistes arabes qui ont marginalisé les mouvements islamistes. Pour l’intellectuel du parti de la rose, aucun parti politique au Maroc ne peut mener le changement démocratique s’il ne constitue pas un large front composé d’abord des partis issus du mouvement national, des syndicats et associations qui lui sont proches, du mouvement islamiste national, et enfin des forces économiques et d’autres parties dans le cercle du pouvoir.
Une idée qui, entre temps, a fait son chemin. Plus récemment, le mouvement pro-réformes du 20 février a été le réceptacle d’une multitude de mouvances dont la gauche et les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane. Une alliance qualifiée par certains de contre-nature. Le PJD, en adoptant cette ouverture, lui redonne vie dans les institutions, même si pour l’heure, aucun ralliement majeur d’une personnalité de gauche n’a été annoncé.
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous
Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer