Dangers de la Dépakine: Quelles mesures prennent les autorités sanitaires ?

Prise pendant la grossesse, la Dépakine peut avoir de graves conséquences sur la santé du bébé. Quelles mesures sont prises par les autorités sanitaires marocaines ? Sont-elles suffisantes ?

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Crédit : Unsplash/Pixabay.

Le valproate, substance active de la Dépakine et de ses génériques (prescrits principalement contre l’épilepsie et les troubles bipolaires), est responsable de malformations congénitales (environ 10 % des cas) et de troubles du comportement (entre 30 et 40 % des cas) chez les enfants dont la mère a pris le médicament pendant la grossesse. Les enfants marocains n’échappent pas au drame, l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvuslant (Apesac, française), nous affirme que plusieurs parents marocains l’ont approchée.

Des effets connus depuis des décennies

L’affaire est d’actualité parce que l’Agence nationale de sécurité du médicament française a publié le 24 août une étude sur l’exposition aux médicaments chez les femmes enceintes et que le ministère de la Santé français a annoncé  la création d’un fond d’indemnisation des victimes le même jour. Il ressort de l’étude un niveau d’exposition important (bien qu’il diminue progressivement). Pourtant, les conséquences congénitales sont connues depuis les années 1980, les conséquences sur le développement de l’enfant ont été repérées au début des années 2000 et le Vidal (encyclopédie des médicaments que les médecins consultent) stipule depuis 2006 que « Si une grossesse est envisagée, toutes les mesures seront mises en œuvre pour envisager le recours à d’autres thérapeutiques ». Autrement dit, le médicament continue largement d’être prescrit pendant la grossesse alors même qu’il est recommandé de trouver un autre remède quand la femme est enceinte.

Au Maroc, ministère et Sanofi communiquent

Le 27 juillet dernier, la filiale marocaine de Sanofi (fabricant du princeps) a publié un communiqué de presse, copie d’une lettre d’information destinée aux médecins. Le laboratoire pharmaceutique y évoque, en accord avec différentes agences européennes compétentes, « la réévaluation du rapport bénéfice/risque » du valporate et indique qu’il « ne doit pas être prescrit aux filles, aux adolescentes, aux femmes en âge de procréer et aux femmes enceintes, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance à toutes les autres alternatives médicamenteuses ». Sanofi ajoute que le médecin doit s’assurer que les patientes traitées ont bien compris les risques associés. De son côté, le ministère de la Santé a publié un communiqué le 19 août affirmant élever « le niveau de vigilance » pour ce médicament. Le ministère précise avoir envoyé un courrier aux ordres nationaux, entre autres, des médecins et des pharmaciens.

Message bien reçu ?

Pourtant, les pharmaciens ne semblent pas tous avoir reçu le courrier aujourd’hui. Abderrahim Derraji pharmacien concepteur du site medicament.ma nous indique n’avoir reçu « aucun courrier officiel pour le moment ». Le responsable communication de Sanofi Maroc, Aziz Yousfi, nous précise que le courrier a été envoyé aux instances et que les représentants de l’entreprise informent les médecins lors de leurs visites, ajoutant que les pharmaciens doivent bien sûr « se tenir à l’ordre du jour ». Il précise qu’une précédente communication a déjà été envoyée en 2015 pour prévenir les prescripteurs des dangers du médicament pendant la grossesse.

La communication, suffisante ?

« La différence avec le scandale du Médiator c’est qu’on sait déjà tout cela depuis longtemps », commente Abderrahim Derraji, qui poursuit : « cela montre que le système n’est pas efficace », aussi bien en France qu’au Maroc. Pour lui, « il ne suffit pas de communiquer, il faut instaurer des gardes fous », comme par exemple la signature d’un document par la patiente qui reconnaît avoir pris connaissance des dangers, comme c’est le cas en France depuis 2015. La même année, les autorités sanitaires françaises ont également instauré un autre garde-fou : la première prescription ne peut pas émaner d’un médecin généraliste mais uniquement d’un neurologue, un psychiatre ou un pédiatre.

Et Abderrahim Derraji ne blâme pas ses confrères médecins. D’après lui « un petit pourcentage de médecins n’ont pas vu venir », mais le problème s’est surtout posé pour des femmes qui avaient débuté leur traitement avant leur grossesse et n’en ont pas informé leur gynécologue. Quoi qu’il en soit, pour ce pharmacien, cette affaire rappelle combien les procédures de remboursement sont incohérentes : « On vous demande d’envoyer la notice pour vous faire rembourser mais elle appartient aux malades, ce sont les malades qui doivent être informés, pas les mutuelles », s’étonne-t-il.

Des alternatives

D’après l’ANSM française, le valporate est le plus tératogène (autrement dit, le plus susceptible d’entraîner des malformations chez le fœtus) des anticonvulsivants mais il reste indispensable pour traiter ces pathologies chez les patients pour lesquels les autres traitements disponibles sont inefficaces ou non tolérés.

 

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