« On dirait qu’ils étaient fous », témoigne Leila*, 17 ans. Il y a quelques semaines, elle et ses cinq amis ont été chahutés par trois chauffeurs de taxi vert casablancais, alors qu’ils rentraient d’une soirée d’anniversaire avec un chauffeur Uber. Et l’événement n’est pas anecdotique : « Cela a commencé au milieu du ramadan », nous raconte Miriem Belkziz, directrice générale d’Uber Maroc, qui estime à une quarantaine le nombre d’incidents de ce type.
Cette fois-ci la scène s’est passée à 2 heures du matin , boulevard Ghandi, dans la métropole économique : trois petits taxis bloquent la voiture pour la contraindre de s’arrêter. « Ouvrez les portes, courez ! », a alors crié le chauffeur, nous relate Leila, quelques secondes avant que les trois chauffeurs de taxi n’obligent les six jeunes à rentrer à nouveau dans la voiture en attendant que la police, appelée préalablement par les taxis mécontents, arrive sur les lieux. La police contraint finalement l’ensemble des clients à décliner leurs identités, immobilise la voiture et retire son permis de conduire au chauffeur, au chômage technique depuis, toujours d’après notre témoin. Quid des jeunes restés dans la rue ? Certains ont pu prendre des taxis classiques, tandis que d’autres ont été raccompagnés par leurs parents.
Des taxis verts (ces petits taxis rouges qui paient une cotisation pour être reliés à une radio leur indiquant les réservations de clients) considèrent que les applications comme Uber leur font concurrence de manière déloyale. C’est que les petits taxis paient un agrément particulier, contrairement aux chauffeurs de compagnies de transport et application de mise en relation.
« Aujourd’hui, la technologie a évolué »
Côté « accusés », on se défend de toute illégalité. « Je ne comprends pas pourquoi les taxis s’en prennent à Uber étant donné que nous intégrons les taxis à notre plate-forme », nous explique Miriem Belkziz. Pour elle, Uber n’a pas besoin d’autorisation particulière puisqu’il s’agit d’une société de service uniquement chargée de la mise en relation entre chauffeurs et clients. Et elle l’assure : les chauffeurs ont leur autorisation de transport touristique.
Transport touristique ? « Nous avons un agrément de transport touristique […] qui nous donne le droit de transporter des Marocains. La seule chose qui nous est interdite est le maraudage », précise également Samir Bennani, directeur général de Ma Navette (société de transport touristique et du personnel qui travaille avec Uber), dont l’un des chauffeurs s’est, lui aussi, vu retirer son permis à la suite d’un tel guet-apens. Une fois sur les lieux du rendez-vous, le chauffeur de la compagnie se rend compte qu’il s’agit d’une fausse réservation : trois taxis l’attendaient avant d’immobiliser son véhicule avant l’arrivée des forces de l’ordre. Le patron de Ma Navette n’entend pas les arguments des taxis : « Aujourd’hui, la technologie a évolué et elle rend plus pratique la réservation via application mobile que le maraudage dans la rue ».
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Contactée par Telquel.ma, la Direction de taxis verts dit ne pas cautionner cette série de manifestations mais « comprend que certains de [ses] chauffeurs aient recours à certaines pratiques pour défendre leur gagne- pain ».
Comment les taxis repèrent-ils les chauffeurs Uber ? Les chauffeurs ont plusieurs théories entre fausse réservation, connaissance de l’immatriculation etc. En attendant, les chauffeurs comme les clients changent leurs habitudes. « Maintenant, je commande un peu plus loin et je ne les fais plus attendre », nous explique un client habitué qui s’est fait chahuter une fois, mais a eu la chance de rester dans le véhicule après que le chauffeur eut nié travailler pour Uber. Notre témoin et ses collègues avaient pour habitude de quitter leur travail en taxi vert jusqu’à l’arrivée du service Uber, qu’ils privilégient désormais. De leur côté, les chauffeurs demandent aux clients de se placer à l’avant, pour éviter les soupçons.
*Le prénom a été changé à la demande du témoin
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