L’ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite, Chas Freeman, a donné un discours sans ambages dans lequel il est revenu sur les responsabilités géopolitiques de son pays.
Dans un discours donné le 9 juin au Center for National Interest à Washington, l’ancien ambassadeur américain en Arabie saoudite (1989 – 1992) Chas W. Freeman, Jr. est revenu sur ce qu’il considère comme étant les huit erreurs de la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient. De l’occupation de l’Irak à la méconnaissance de l’islam, le diplomate n’hésite pas à pointer les responsabilités de l’Oncle Sam dans le désordre régional. Telquel.ma reproduit une partie résumée de l’article traduit par le magazine en ligne Orient XXI*.
« L’erreur numéro un c’était de ne pas avoir su transformer notre triomphe militaire sur l’Irak de Saddam Hussein en 1991 en paix avec Bagdad. » énonce le dignitaire. Selon lui, à l’issue d’un conflit, les perdants doivent accepter les termes de leur défaite décidés lors des négociations et non se voir imposer une vision qui n’a pas été préalablement discutée. Cela n’a pas non plus été le cas depuis le début du conflit en Israël, Netanyahou et ses prédécesseurs ne prenant guère au sérieux les résolutions successives de l’ONU.
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L’abandon de la paix dans le Golfe
La seconde erreur des Etats-Unis est d’avoir laissé tomber leur stratégie de maintien de la paix dans le golfe Arabo-Persique en 1993, au profit d’une politique de « double endiguement » de l’Irak et de l’Iran. Pour Chas Freeman, ce sont ces décisions qui ont conduit à la création d’Al-Qaida puis à celle de l’Etat islamique. « L’irritation politique que cette situation engendre garantit que certains dans la région continueront à vouloir s’attaquer aux Américains sur leur territoire ou, si cela s’avère impossible, aux Américains de l’étranger. »
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La campagne contre l’islamisme en Afghanistan
Le troisième manquement cité par l’ancien ambassadeur est l’opération de l’OTAN, menée à partir de 2001, visant implicitement à éviter qu’un gouvernement islamiste s’installe à Kaboul. Une mission qui, pour de nombreux musulmans, a donné l’image d’« une croisade occidentale contre l’islam et ses disciples » plutôt que d’une réelle lutte contre le terrorisme. De plus, l’Afghanistan n’en est devenu que plus islamiste.
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L’utilisation de drones de combat
Toujours en Afghanistan, en 2002, le lancement de la campagne utilisant des missiles à partir de drones pour assassiner les opposants présumés est la quatrième faute américaine. « Ce recours à une guerre robotique s’est transformé en un programme de massacres en série à partir des airs dans une zone étendue à l’Asie de l’Ouest et à l’Afrique du Nord. » explique l’ex-haut fonctionnaire. Une méthode qui fut l’un des facteurs essentiels de l’émergence du terrorisme anti-occidental à l’échelle mondiale. Résultat : « On fabrique plus de terroristes qu’on n’en élimine. »
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L’invasion de l’Irak en 2003
Cinquième erreur, l’opération décidée par George W. Bush le 20 mars 2003 en Irak et qui a contribué à la création d’une zone d’influence iranienne, en plus de démontrer la naïveté géopolitique et l’incompétence stratégique des États-Unis. Elle a aussi « donné le coup d’envoi de guerres confessionnelles qui continuent de se propager de par le monde au sein des musulmans qui représentent le quart de l’humanité. »
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Le déni des véritables causes du terrorisme
En sixième position des plus mauvais jugements américains décernés par Chas Freeman, la confusion entre les causes du terrorisme et les raisons religieuses convoquées pour le justifier. D’après lui, « l’islamisme est un symptôme de l’angoisse et de la colère des Arabes. C’est une conséquence, pas une cause de la colère des musulmans. » Une colère qui résulte des injustices et des humiliations ressenties par lesdits musulmans, à la fois au Proche-Orient et en Occident.
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Le soutien militaire absolu à Israël
L’adoption, à l’issue de la guerre de Kippour en 1973, de l’engagement à préserver la « supériorité militaire » de l’État hébreu sur ses ennemis potentiels dans la région est la septième erreur de Washington. « Cette politique a conduit Israël à faire l’économie de toute réflexion sur la manière de préserver sa sécurité par des moyens non militaires. » analyse le diplomate. Ce qui a empêché l’État israélien d’envisager une réconciliation avec les Palestiniens et ses autres voisins arabes et l’a encouragé à préférer des gains territoriaux à court terme plutôt qu’une sécurité durable.
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La politisation idéologique de la diplomatie
Enfin, dernier manquement américain, et pas des moindres : son incapacité à baser sa politique étrangère sur un raisonnement inductif et des analyses de la réalité plutôt que sur des lectures idéologiques et arrangeantes. Chas Freeman cite de nombreux exemples illustrant ce manque de clairvoyance, dont la conviction de l’existence d’armes de destruction massive en Irak ou encore la certitude que l’organisation d’élections libres et régulières allait porter au pouvoir des libéraux.
*L’article original d’Orient XXI est disponible à cette adresse. Les extraits publiés par Telquel.ma ont été sélectionnés et mis en forme par Lina Rhrissi.
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