« Je voudrais faire de cette chaîne un bijou qui rayonne à l’international où il n’y aurait pas de place pour la médiocrité. C’est pourquoi, et dès aujourd’hui, j’arrête la diffusion de l’émission de Momo qui n’est pas conforme aux nouvelles aspirations de la chaîne. » C’est en ces termes, prononcés de manière « catégorique et sèche » selon plusieurs témoins, qu’Hassan Khiyar s’est adressé à 80 journalistes et techniciens de Medi1TV rassemblés dans les locaux de la chaîne le 27 juin. Les salariés ont accueilli l’annonce par une salve d’applaudissements. Quelques heures plus tôt, lors d’un conseil d’administration extraordinaire, Hassan Khiyar était nommé PDG de la chaîne, en remplacement d’Abbas Azzouzi.
« Restez pour le ftour »
L’arrêt brutal de l’émission qui devait de toute façon prendre fin au terme de ramadan quelques jours plus tard, peut surprendre. Les premiers surpris ont d’ailleurs été les chroniqueurs. « On avait le sentiment que le concept ne serait pas reconduit après ramadan, mais on était aussi très loin d’imaginer que l’aventure prendrait fin comme ça » nous confie l’un d’entre eux. Le 27 juin, ce complice de Momo s’est rendu comme tous les jours dans le studio du Ramadan Show, à 16 h, pour se préparer à l’antenne. C’est à ce moment que la bande de chroniqueurs a appris qu’elle ne prendrait pas l’antenne pour son direct quotidien, une heure avant la rupture du jeûne. « Une productrice nous a quand même proposé de rester pour prendre le f’tour », s’amuse à avancer notre chroniqueur. Pour lui, « c’est un peu frustrant que ça se termine de cette manière, car on n’a pas eu l’occasion de faire une “dernière”. Néanmoins, on a gagné notre pari de faire 20 épisodes surprenants et décalés pour la télévision marocaine. On n’a pas de ressentiment. »
Pas de ressentiment, c’est aussi le message qu’a voulu faire passer Momo dans la vidéo publiée sur sa page Facebook, à l’heure où il devait prendre l’antenne sur Médi1TV. Accompagné de son équipe, il informe son public que l’émission est bel et bien déprogrammée, avant de remercier les techniciens et les téléspectateurs. Il indique que l’arrêt de l’émission est justifié par la volonté de la chaîne de s’orienter vers des programmes d’information. Un message laconique et dont il ne voudra pas se départir, joint par Telquel.ma. « J’ai tout dit dans la vidéo. J’ai appris la nouvelle en fin de matinée. On reste en très bons termes avec la chaîne », confirme l’animateur et co-producteur de l’émission. Moins loquace qu’à l’accoutumée, il conclut néanmoins la conversation par le gimmick de son émission « Ramadan show m3aaaa… ? », qui appelle en réponse un franc et joyeux « MOMO ! » collectif et que l’on entendra plus sur les ondes de Médi1TV.
Marquer son territoire
Qu’est-ce qui a motivé une décision aussi radicale de la part du nouveau patron de la chaîne ? L’argument de la réorientation de la ligne éditoriale ne tient pas, car la grille complète des programmes ne sera pas remaniée avant septembre, voire décembre. D’autant que, pour l’heure, le programme qui remplace le Ramadan show sur le créneau de l’« avant le f’tour » est un feuilleton de fiction. Cependant, la piste des considérations financières a été évoquée. Comme Hassan Khiyar l’a annoncé à ses salariés lors de sa prise de fonction, « la situation financière [de la chaîne] est catastrophique ». Dans son collimateur pour faire des économies, les programmes produits par des sociétés de production externes. « Ce n’est pas normal que l’argent injecté dans les productions externes ait disparu de cette manière. Ces irrégularités vont disparaître », expliquait-il aux équipes de Medi1TV. Ramadan show m3a Momo était en effet produit par la société One Shot Media, et non par Medi1 TV. Aux salariés, Hassan Khiyar a d’ailleurs annoncé qu’il mettrait aussi fin à l’émission Kawaliss, également produite en externe. Le sentiment d’urgence que crée Hassan Khiyar lui permet de marquer les esprits, de marquer son territoire. C’est Momo qui en a fait les frais.
« On assiste à un nettoyage à la Bolloré », commente un proche collaborateur de l’émission de Momo. Mais la comparaison avec le patron de la chaîne cryptée française — pourfendeur de l’« esprit Canal » pour les uns — s’arrête là. Car d’esprit Medi1 TV, il n’en est point, la chaîne ayant été successivement ballottée entre divertissement et information. Un esprit, c’est ce que Hassan Khiyar devra insuffler à la chaîne pour marquer de son empreinte le paysage médiatique national et international.
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