Brexit: le Royaume-Uni décide de son avenir et de celui de l'Europe

Plus de 46 millions de Britanniques sont appelés jeudi à décider de l'avenir de leur pays et de celui de l'Europe lors d'un référendum pour le maintien ou non dans l'Union européenne, qui se joue sur le fil du rasoir.

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Crédit: AFP

À l’issue d’une campagne passionnée, axée sur l’immigration et la prospérité économique, les électeurs se pressaient dès le début de la matinée à Londres, malgré la pluie, pour déposer leur bulletin avant d’aller travailler. Les bureaux ont ouvert à 07h00 (06h00 GMT) et devaient fermer à 22h00. Le résultat final devrait être annoncé vendredi et le Royaume-Uni pourrait alors devenir le premier pays à choisir de quitter l’UE après 60 ans de construction européenne.

« Bravez la pluie et votez pour rester », invitait sur Twitter la campagne officielle pour le maintien dans l’UE. Celle pour le Brexit priait les électeurs de « ne pas manquer la chance de voter pour sortir du giron européen ». Selon les analystes, le niveau de la participation aura un impact décisif : Plus elle sera importante, plus le “Remain” (le maintien) aura ses chances.

Dans les bureaux de vote, les électeurs étaient partagés, leurs témoignages traduisant les inquiétudes sur les conséquences d’un Brexit ou, à l’inverse, l’enthousiasme à l’idée de quitter l’UE. « Ce serait un désastre pour l’économie si nous partions », estimait Peter Davies, 55 ans, employé dans le secteur informatique, devant un bureau de vote installé dans une bibliothèque municipale de Romford, à l’est de Londres. Joan, la cinquantaine, regrettait elle l’époque où l’Europe comptait moins de pays membres, et espérait une victoire du Brexit. « Nous serons les premiers à quitter (l’UE) et je pense que d’autres pays européens partiront après. Je crois que les électeurs français le veulent secrètement », a déclaré à l’AFP cette femme qui a préféré taire son nom de famille.

Dans le nord-ouest du pays, à Glasgow, dans l’europhile Ecosse, nombre d’électeurs se disaient en faveur d’un “remain” (“maintien” dans l’UE). « Ce serait idiot de quitter l’union», assurait Gemma Rosaria, 24 ans. « Être dans l’UE est un avantage pour l’Écosse ». Le Premier ministre conservateur David Cameron, qui a mené campagne en faveur du statu quo, a voté dans la matinée à Londres, accompagné de sa femme Samantha.

Deux sondages parus mercredi donnaient une légère avance à une sortie de l’Union, ou Brexit (British Exit), mais un troisième qui place le maintien en tête, laisse le suspense entier. Les électeurs doivent répondre à la question: « Le Royaume-Uni doit-il rester un membre de l’Union européenne ou quitter l’Union européenne ? ». Jeudi matin, les journaux britanniques ne manquaient pas de souligner le caractère historique du vote : « Le jour de l’indépendance », titre le tabloïd The Sun (pro-Brexit). The Times (pro-UE) parle du « Jour du jugement dernier ». Dans l’attente des résultats, les Bourses européennes étaient en légère hausse jeudi, traduisant un sentiment de confiance mêlé de prudence des marchés quant à une victoire du camp du maintien.

L’enjeu est de taille et tous les dirigeants européens sont intervenus pour retenir les Britanniques, conscients que leur départ ferait peser une menace de désintégration du club des pays membres de l’UE. Outre les conséquences économiques immédiates pour le pays —forts remous sur les marchés et chute probable de la livre—, un Brexit serait dommageable à long terme, ont prévenu toutes les grandes institutions financières internationales, du FMI à l’OCDE.

Il ouvrirait aussi une période de turbulences politiques, avec un probable départ de David Cameron, qui a lancé ce référendum. Il pourrait aussi entraîner un éclatement du Royaume-Uni si les nationalistes écossais, europhiles, mettaient à exécution leur projet d’organiser un nouveau référendum sur leur indépendance. David Cameron, qui joue sa carrière et sa place dans l’Histoire, a plaidé jusqu’au dernier jour pour convaincre ses concitoyens de rester dans l’UE, martelant que le pays y serait « plus prospère, plus sûr et plus fort ». Le Parti travailliste (opposition) et les nationalistes écossais du SNP se sont rangés dans le camp du “In”, avec la City de Londres, cœur financier du pays, qui veut conserver son rôle de point d’entrée dans l’UE pour les firmes étrangères.

Côté Brexit, l’ex-maire de Londres, Boris Johnson, a pris la tête des conservateurs eurosceptiques et prédit des lendemains radieux aux Britanniques s’ils retrouvent leur « indépendance ». Le parti europhobe Ukip, dirigé par Nigel Farage, a axé toute sa campagne sur le contrôle de l’immigration et a fini par choquer jusqu’à son camp avec une affiche coup de poing montrant une colonne de réfugiés barrée du commentaire : “Point de rupture”. Voulant mettre un frein aux divisions qui rongent son Parti conservateur sur l’UE, M. Cameron avait annoncé, en janvier 2013, qu’il tiendrait ce référendum s’il était réélu, ce qui fut le cas en 2015. Mais il a ouvert la boîte de Pandore et déchaîné les passions, attisées par les redoutables tabloïds britanniques, toujours prompts à vilipender l’UE.

Dans cette atmosphère toxique, le meurtre de la députée pro-UE Jo Cox une semaine avant le scrutin, par un homme invoquant la « liberté pour le Royaume-Uni », a sidéré le pays, sans que l’impact sur le vote ne pût être mesuré.

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