La 9e édition des jeux nationaux Special Olympics Morocco a accueilli du 21 au 27 mai, 2000 athlètes et encadrants venus de tout le pays, accompagnés de leurs familles et des délégations et associations du Liban et d’Égypte.
À l’ouverture au stade de la Paix dans la ville d’Ifrane, sous les encouragements des spectateurs, deux jeunes athlètes s’élancent à grandes enjambées. Les athlètes portent haut leur sourire et la flamme des Special Olympics qui flamboiera pendant une semaine. Créés en 1994 par feue la princesse Lalla Amina, les Special Olympics Morocco sont un vaste programme d’entraînement et de compétitions sportives destinés aux enfants, adolescents et jeunes adultes en situation de handicap mental.
Après le discours de la double championne mondiale d’athlétisme et marraine de l’événement Nezha Bidouane, plusieurs centaines de jeunes sportifs, formant une vague de couleur rouge et verte, effectuent leur procession. Chaque ville du nord au sud y est représentée, l’émotion des familles est palpable. Chacun y va de son cri d’encouragement, les baisers s’envolent vers les gradins et vice-versa. Les familles, par des clichés, immortalisent ce moment d’accomplissement pour leurs enfants, mais aussi pour elles. Une multitude d’émotions traverse les regards. Peut-être le sentiment de fierté d’avoir écouté, accompagné et encouragé son enfant, en le croyant capable de grandes réalisations. Si l’émoi est aussi manifeste en cette après midi, c’est que le parcours quotidien de ces familles et athlètes n’est pas de tout repos. En cela, l’événement sportif permet aux parents d’assister à différents congrès sur les thématiques de droit, de la famille et la vie quotidienne, de bénéficier de conseils pratiques, et de participer à des débats et témoignages sur le vécu de chacun.
Ces mots, Ayeman Abdelwahab, président du Special Olympics de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) les répète à maintes reprises lors de l’ouverture officielle du congrès des familles. Tout en ajoutant que la situation dans laquelle les familles se trouvent «n’est pas une fatalité divine » comme c’est parfois pensé lorsqu’elles ont un enfant en situation de handicap, surtout en milieu rural. «Vous devez agir et vous battre», soutient t-il. Et c’est ce que ces dizaines de femmes et d’hommes issues de toutes les couches sociales font quotidiennement.
Ces parents sont les premiers bénévoles et endossent aussi le rôle d’éducateurs, de psychologues, de comptables, de directeurs dans les différentes associations dont ils font partie. Le congrès des familles est aussi l’occasion de rappeler comment le sport constitue, au-delà des compétitions et des tournois, un moyen efficace d’épanouissement pour les personnes en situation de handicap. Plus les parents les inscrivent tôt dans un espace d’expression comme le sport, plus elles s’épanouissent. Leur motricité s’améliore, les prises de décision et leurs repères spatio-temporels se dessinent. Amina Msefer, responsable de la commission des familles et mère d’une enfant en situation de handicap, a affirmé que «même au niveau cognitif, [sa] fille a appris à parler, à se repérer dans le temps, à savoir compter et à avoir des amis. Comme il y a des entraînements, elle sait qu’ils sont à tel jour et telle heure. Puis elle se crée des amitiés et a une vie sociale». Ce qui est fondamental pour leur intégration dans la société et les milieux ordinaires.
Selon l’enquête réalisée en 2014 par le ministère de la solidarité, de la femme, de la famille et du développement social, 24,5% des foyers marocains comptent une personne en situation de handicap (tous handicaps confondus), soit une famille sur quatre. Le nombre de personnes en situation de handicap mental s’élève, lui, à 568 433 dans le royaume. Salim Mouci, présent au congrès et père algérien d’un enfant atteint de trisomie déplore «le regard des autres et les préjugés qui sont difficiles à gérer. Les gens qui nous disent que nos enfants sont bons à rien… C’est ça qui est le plus difficile». Malgré l’inscription du droit des personnes en situation de handicap dans la Constitution et quelques avancées juridiques, la loi-cadre 13-17 relative à la protection et la promotion des droits des personnes en situation d’handicap et la signature d’accords internationaux, notamment la convention des droits de l’Homme et du Citoyen, le problème reste ailleurs. «Les États algérien et marocain reconnaissent ces enfants et leurs droits dans leurs constitutions, mais le problème c’est sur le terrain» rajoute Salim Mouci.
Si le combat est long au quotidien pour les parents et les athlètes du Special Olympics Morocco, c’est sur le terrain que les sportifs ont pu partager des moments de compétition et de convivialité. Avec différentes disciplines comme l’athlétisme, le golf, le hockey, le volley-ball, la gymnastique, le football, le tennis, le basket, le tennis de table, le badminton, le cyclisme, l’équitation, le handball unifié, etc. Lors des entraînements du 50m natation à l’université Al Akhawayn, une athlète interpelle. Elle semble ne pas vouloir s’arrêter et multiplie les va-et-vient d’un bout à l’autre de la piscine. Au total, elle aura parcouru 300 mètres. Elle rejoint ensuite un petit groupe d’autres athlètes au repos. S’approchant pour recueillir son ressenti sur sa participation aux Special Olympics, c’est une jeune femme au rire franc et au caractère bien senti qui répond volontiers aux questions. Loubna, 36 ans, atteinte de handicap mental et sensoriel, entourée de ses amis et entraîneurs, nous raconte sa passion.
Après avoir toujours concouru en natation, elle s’essaie au tennis pendant quelques années, pour revenir à son sport de prédilection. Loubna est l’une des premières athlètes à s’être qualifiée aux Jeux mondiaux à New Heaven (USA) en 1995. Elle y remporte deux médailles. En plus du sport, l’athlète est inscrite conservatoire de Rabat depuis dix ans, affectionne particulièrement la musique andalouse, Beethoven et Mozart qu’elle joue au piano.
«Loubna, pendant les travaux à l’atelier, était celle qui met une certaine ambiance. Mais surtout, elle chante tout le temps. Et c’est comme ça qu’elle a proposé une chorale» confie Houda, jeune éducatrice de 16 jeunes en situation de handicap depuis six ans. Les autres nageurs autour déclarent ne pas être déçus de ne pas participer à Mawazine et préfèrent de loin se retrouver au Special Olympics. Même si Soufiane aurait bien voulu assister au concert de Saad Lamjarred, quand pour Amar le choix s’était porté sur Maître Gims. L’éducatrice explique que les ateliers sont un vrai moment d’échange pour eux et pour elle. Les sujets que ces jeunes adultes à besoins spécifiques abordent, sont universels : «leur avenir, avec un travail qu’ils aiment, une vie de mariage, les émissions télés, les petits secrets et autres histoires de cœur. Mais surtout le sport qui est leur vraie passion» renchérit Houda. En effet, le palmarès régional et international des athlètes des Special Olympics Morocco est considérable : Pas moins de 494 médailles raflées depuis 1995. Des États-Unis d’Amérique, à la Corée du Sud en passant par l’Irlande, la France, le Bahreïn, la Tunisie et bien d’autres, les athlètes ne sont jamais revenus les mains vides.
Tout au long de la semaine, les enfants et jeunes sportifs ont donné d’eux-mêmes, enchaînant les entraînements, les tournois et les finales. Les athlètes ont été animé du fair-play, lors des matchs de basketball, de tennis ou encore pendant le tournoi de saut en longueur. Le but n’était pas nécessairement d’écraser ceux qu’ils ne considèrent même pas comme leurs adversaires, mais de suivre le sermon des Special Olympics, «j’essaierai de gagner, mais si je n’y arrive pas, je ferai preuve de courage dans mes efforts». Et ces efforts ont fait l’objet de belles récompenses, de médailles, de cris de victoire et de détermination. Toutes les personnes impliquées, que ce soit les bénévoles, les familles ou les sportifs, tous ont déclaré les Special Olympics Morocco comme un rassemblement au-delà du sport, une sorte de grande colonie de vacances et de lieu de reconnaissance, d’échanges et de dépassement de soi.
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