Attentats de Bruxelles: Loubna Lafquiri, une jeune femme bien dans ses baskets

La Belgo-marocaine Loubna Lafquiri a perdu la vie à 34 ans lors de l'attentat de Bruxelles du 22 mars. La Libre Belgique dresse son portrait.

Par

Loubna Lafquiri. DR/Lalibre.be.

«Elle n’est pas dans la liste des survivants». Le message, posté sur Facebook le 24 mars par Hamid El Bachiri, le beau-frère de Loubna Lafquiri, laissait présager le pire. La jeune femme de 34 ans, professeur de gymnastique, empruntait tous les jours la ligne 1-5 du métro pour se rendre de Molenbeek, où elle habitait, à l’école «La Vertu», à Schaerbeek, où elle travaillait depuis septembre. Mardi 22 mars, à 9h45, elle devait être au cours. Elle n’est jamais arrivée à «La Vertu».

L’attente, interminable, a duré deux jours, avant l’épouvantable confirmation par le frère de la jeune Belgo-Marocaine : «C’est le cœur lourd et rempli de douleur que nous vous annonçons le décès de notre sœur».

Loubna Lafquiri ? Une jeune femme avec un sourire immense, ravageur, qu’on sentait débordante d’énergie. On l’avait rencontrée en mars 2015, lors d’un reportage au cœur de l’école islamique Al-Ghazali, à Etterbeek, où elle enseignait depuis dix ans. Elle avait alors repris le travail après la naissance de son petit dernier – «mon troisième garçon» , riait-elle fièrement.

Les cheveux longs retenus en queue-de-cheval, elle semblait repousser les murs pour agrandir la minuscule salle de gym qu’elle désertait souvent pour emmener les élèves au hall omnisports, à la piscine, à la patinoire. Autant d’activités que les enfants ne faisaient pas forcément avec leurs parents.

Engagée dans sa communauté, croyante et pratiquante, sans porter le voile, Loubna bousculait les stéréotypes sur l’islam et les femmes. Une femme moderne, dynamique, ouverte aux autres. Sans doute pas assez musulmane pour les barbares de Daech.

«Elle avait le don d’apaiser les conflits, de remettre les gens ensemble. Elle a beaucoup bougé pour mettre sur pied des groupes informels d’enfants et de mamans qu’elle incitait à s’émanciper par le sport. Pour être bien dans ses baskets et dans son foulard», témoigne Gregory Manuel Ramis, directeur de l’école Al-Ghazali. Adieu le cliché de la famille musulmane cloîtrée à la maison.

La Grande Mosquée de Bruxelles n’était pas assez grande, vendredi 1er avril, pour accueillir les 2 000 à 2 500 personnes venues rendre un dernier hommage à la Molenbeekoise tuée dans l’attentat du métro à Maelbeek. Plus de 500 croyants ont été obligés de prier dans le parc, faute de place à l’intérieur. Le corps de la victime a été rapatrié le lendemain au Maroc. Ses obsèques se sont déroulées le 3 avril à Salé, ville dont sa famille était originaire.

Loubna Lafquiri laisse derrière elle trois jeunes enfants de 10 ans, 7 ans et presque 2 ans. «Elle m’a laissé trois trésors. A moi maintenant de me battre et de rester debout, malgré tout» , disait Mohamed El Bachiri, son époux, à l’issue de l’hommage à la Grande Mosquée. Invité par Channel 4 News à décrire sa femme, il ajoutait : «C’était une joie de vivre exceptionnelle. C’était le bien. Le bien tout simplement». Envahi par le chagrin, l’homme disait pourtant n’éprouver aucune haine. «Parce que je ne sais pas à qui m’adresser. Parce qu’on a des personnes apparemment dépourvues d’humanité».

Le 22 mars au matin, Bruxelles a été touchée par une série d’attentats : deux à l’aéroport de Zaventem et un dans une rame de métro. Ces attaques ont fait 32 morts. Le journal français Le Monde et le quotidien belge La Libre Belgique se sont associés pour dresser leur portrait, en hommage. Celui de Loubna Lafquiri, signé d’Annick Hovine, a initialement été publié le 4 mai sur LaLibre.be, qui nous donne l’autorisation de le reproduire.