Le Maroc se dirige vers l'approbation du travail des enfants dès 16 ans

Le projet de loi n° 19.12 a été voté à la commission des secteurs sociaux. Un vote qui a de lourdes conséquences sur le statut des «petites bonnes».

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Le projet de loi n°19.12, présenté par le ministre de l’emploi Abdeslam Seddiki, sur les conditions de travail et d’emploi relatives aux employés de maison a été voté ce 9 mai, à la commission des secteurs sociaux, par 7 voix contre 2. D’après un membre de la commission, c’est surtout l’article 16 du texte, haussant l’âge minimal de travail à 16 ans au lieu de 18 ans, comme le demande l’opposition, qui a catalysé le débat. «À première vue, la plupart des parlementaires semble nous soutenir, nous fait des promesses mais le jour du vote, il y a des surprises… On ne comprend plus», regrette Amina Gani, membre du collectif pour l’éradication du travail des «petites bonnes» en faveur de la hausse de l’âge minimal de travail à 18 ans.

«Je vois une grande schizophrénie entre un ministre qui se dit progressiste, les avancées dans les droits et le vote d’un tel projet de loi. La place d’un enfant est à l’école ou en formation», martèle la militante, avant de rappeler l’obligation de scolarisation des Marocains de 6 à 18 ans. «D’après nos informations, les membres de l’opposition n’ont pas assisté au vote. Cela m’a beaucoup surpris», ajoute, déçu, Omar Saadoun, également membre du collectif. Dans un plaidoyer de 26 pages qui leur été adressé en préparation du vote du 9 mai, le groupe rappelle qu’un enfant le demeure jusqu’à ses 18 ans s’appuie sur la Convention 182 de l’Organisation internationale du travail qui définit les pires formes de travail des enfants.

«Un acte de discrimination […] à l’égard d’une population vulnérable»

Sont concernés des «travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant». Pour Amina Gani, les travaux domestiques correspondent à cette définition. Parmi les risques évoquées : l’évolution d’enfants dans un environnement clos, où ils seraient en proie aux abus, l’exposition aux accidents domestiques (électricité, gaz, travaux pénibles) ou encore les dépressions auxquelles ils pourraient être sujets. S’il est question de «conditions», concernant l’obligation d’un accord parental ou une limitation des heures de travail, dans le projet de loi voté ce 9 mai, la militante s’insurge.

«Comment pourra-t-on vérifier que ces conditions sont appliquées ?», interroge-t-elle. Le plaidoyer dénonce l’absence du cadre juridique pour les inspecteurs de travail et pour les assistantes sociales qui rend impossible l’accès aux maisons pour faciliter les contrôles. Pour le collectif, le vote du projet de loi et la fixation de l’âge minimal à 16 ans revient à «légaliser […] un acte de discrimination juridique et politique à l’égard d’une population vulnérable par sa pauvreté et son manque d’instruction», dans un contexte où les défis logistique et matériel de prise en charge des travailleurs âgés de moins de 16 ans et leur réinsertion sont déjà de taille.

Un dossier brûlant

Débattu depuis plusieurs mois, ce projet de loi avait conduit à la publication d’une lettre ouverte des Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en février 2016, adressée aux parlementaires marocains pour fixer l’âge minimal des travailleurs domestiques à 18 ans. « Pour nous, il ne s’agit pas d’un échec, nous allons poursuivre notre plaidoyer », prévient Amina Gani, du collectif pour pour l’éradication du travail des «petites bonnes», qui devrait se réunir fin mai pour établir une nouvelle stratégie. Le projet sera voté en séance plénière à la première Chambre ce 10 mai.

Lire aussi : Loi sur les «petites bonnes»: les conseillers fixent l’âge minimum à 16 ans

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